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Fiche pièce
Habbat Alep



L'AUTEUR
Akakpo Gustave



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Habbat Alep
Akakpo Gustave

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Héloïse Adair, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA


  Togo
2006
Lansman Editeur
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
1 femme
2 hommes


Longueur
38 pages


Temps et lieux
En Syrie de nos jours

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Un écrivain togolais arrive au Moyen-Orient en Syrie au pays de "l'absent", son père qui a quitté son pays depuis de nombreuses années après avoir refusé de faire son service militaire et avoir rompu avec sa famille et les traditions. Il vient faire des recherches sur la mina, une langue morte en voie d'extinction. Pour mener à bien sa quête, il sera contraint de se prostituer alors qu'il comptait implanter un Disneyland sur un site archéologique (version officielle face aux autorités du pays). Sa famille ne comprend pas ses recherches et son oncle Abou veut le marier à sa cousine enceinte d'une homme de passage et dont l'enfant bâtard risque de jeter l'opprobre sur la famille. Celle-ci se retrouve enfermée dans la maison, au service de ses parents malades, tyrannisée par le père qui décide de faire recoudre l'hymen et de la faire passer pour vierge. Elle finira par se suicider par le gaz qui asphyxie toute la famille.

 
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Parcours dramaturgiques

Une structure hybride
La pièce se présente comme un théâtre narratif où alternent des dialogues précédés de tirets avec une structure dramatique traditionnelle. Les apartés sont nombreux et brouillent la frontière entre dialogue et récit : la fille s'adresse tantôt "au public" ou bien "comme si elle répondait à une question venant du public" pour raconter l'histoire : tel un griot, elle nous guide dans les méandres de la mémoire de sa famille, de sa généalogie.
A la fin de la pièce, elle adresse une lettre quasi testamentaire à son cousin et lui demande de prendre le relai : "Cher cousin […] Ecris ton histoire sur les langues avant qu'elles ne meurent. Mais s'il te reste un peu de place, écris notre histoire même après notre mort." La boucle est bouclée : ce qu'elle demande à son cousin, c'est ce qu'elle a fait durant toute la pièce, écrire l'histoire familiale. L'œuvre semble ainsi s'écrire sous nos yeux.
Le cousin s'adresse lui aussi ponctuellement au public mais n'a pas fonction de guide. C'est également sur le mode narratif, sous la forme d'un monologue quasi intérieur, qu'il raconte et prend le relai de sa cousine. " Il tourne à gauche, le chauffeur, "Moins vite", je lui dis, "Moins vite", et il écrase l'accélérateur. "Moins vite" et "Il nous faut rester dans la ligne Monsieur" qu'il me dit". Une multiplicité de point de vues nous est ainsi offerte avec le griot pour personnage central et moteur de l'histoire.
Cette structure hybride où les récits font irruption dans les parties dialoguées participe de la modernité des théâtres africains qui refusent la linéarité et rejettent une spécificité africaine en promouvant "une esthétique du danger face au pouvoir inquisiteur des normes qui sanctionnent et censurent l'imagination créatrice" (Kossi Efoui dans le post-scriptum à L'entre-deux rêves de Titagaba, Paris, Acoria, 2000)


Les personnages
Tous les personnages s'apparentent à des archétypes que l'on peut classer de manière opposée.

Le cousin, l'ami ivoirien et "l'absent" : les insoumis, les rebelles
Le cousin s'oppose à l'ordre établi que représentent les policiers et à l'oppression morale incarnée par l'oncle Abou, ainsi qu'aux clichés véhiculés par les médias sur l'Afrique. Il est l'étranger qui vient au pays du père, un personnage en errance, en quête d'une langue qui se meurt, en quête de ses origines. L'ami ivoirien constitue son double : il a fui la Côte d'Ivoire pour raison politique. "L'absent", le père du cousin, est l'insoumis de la famille qui a désobéi en se mariant avec une "étrangère", une Togolaise, enfreignant ainsi les règles familiales. Ecrivain subversif, il s'est opposé au régime dictatorial togolais et a été emprisonné. Il n'apparaît pas sur la scène mais prend forme grâce aux récits dont il est le centre.

Le père, le frère et les policiers : les garants de la tradition
Abou, le père, le patriarche est un "vieillard tanné comme une peau de chameau increvable, paraplégique, assis dans un fauteuil roulant, une pipe au coin des lèvres". Il symbolise la tradition, la religion, l'islam. Il est l'antithèse de son frère qui a laissé à son fils le choix d'avoir ou de ne pas avoir de religion. Figure de l'autorité, il choisit pour sa femme et pour sa fille. Il dépense des fortunes en parfum pour masquer la puanteur des pieds de sa femme en putréfaction afin que la honte ne se propage pas. Ce qui importe, c'est l'honneur de la famille même s'il faut scarifier sa femme et sa fille.
Le frère, digne fils de son père, est écouté par ce dernier. Policier, il se soumet au pouvoir. Il a un grand ascendant sur sa sœur qui a très peur de lui et a sans doute été victime d'un viol incestueux.
Les policiers sont les garants de l'ordre établi. Masse informe, ils sont définis par leur uniforme : "des corps masqués d'uniforme" et obéissent au pouvoir dont ils sont les exécutants, tels des pantins.

La fille, la prostituée et la mère
Ces trois personnages cristallisent l'oppression des femmes : la fille enfermée dans la cellule familiale, assujettie au pouvoir du père et du frère et dont l'hymen a été recousu comme un simple objet ; le frère dira " Tout ce qu'on ferme on peut l'ouvrir de nouveau", ce qui laisse présager le viol ; sa mère, femme au foyer, dépendant de son mari ; la prostituée qui ne s'appartient plus, livrée aux hommes comme une "chose" et qui n'a pas d'autre choix.

 
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Pistes de lecture

Traditionalisme, oppression culturelle et oppression des femmes
L'auteur n'est pas dans une logique binaire et dichotomique où tous les hommes de la pièce seraient des machos et des violeurs en puissance. Les représentants de la tradition sont eux aussi pris dans les rouages de l'oppression culturelle : le père appartient à la vieille génération et à des mentalités archaïques. Son fils porte les stigmates de cette éducation. Le cousin, fils de "l'absent", et l'ami ivoirien sont en rupture avec les traditions. Ils ne sont pas du pays : le cousin arrive du Togo et découvre le pays ; l'ami ivoirien est en exil.
De cette oppression culturelle découle l'oppression des femmes : elles sont sacrifiées, réduites à de simples objets, considérées comme des tentatrices qui ensorcellent, aux "paroles à la douceur de pistache […] derrière la pistache de ses paroles, que des pensées assassines". Pour ces femmes opprimées, l'émancipation s'avère quasi impossible. La seule échappatoire possible semble être le suicide. La mort apparaît ainsi comme un acte de révolte désespéré face à l'oppression et aux traditions.

La traque de la langue morte
Le cousin veut sauver les derniers vestiges de la mina, une langue qui meurt chaque jour avec ses derniers représentants, dont le vieil Abdel Hani, père du policier, qui meurt en emportant avec lui sa langue. L'opposition entre vie et mort est manifeste : "Tu l'as dit : c'est une langue morte. Et mes enfants doivent vivre." Cette quête apparaît ainsi d'emblée vouée à l'échec. Le cousin partira dans le désert à la recherche d'un dénommé Hebun qui parle le mina. Dans cette ville du désert où misère et opulence cohabitent, il ne trouve que maisons à digicode, obsession de l'argent et de la rentabilité en même temps qu'une pauvreté extrême qui fait paraître sa quête linguistique dérisoire. Cette quête de la mina prend des allures de quête initiatique et de retour aux origines. On pense alors à la ville d'Alep en plein désert de Syrie où l'auteur a fait une résidence en octobre et novembre 2004.

 
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De plain-pied dans le texte

Le cousin : Trois coups discrets à la porte de la villa, un homme ouvre ; un salon, trois hommes, cinq filles à la jeunesse encore juteuse, peinturées au regard maquillé. Mon ami parle à une fille ; elle me fait signe, entre dans une chambre, je la suis. Porte fermée, sourire ouvert, elle me presse :
- Habibi.
(Habibibi, ça veut dire mon amour…)
- Habibi, donne-moi deux mille.
- Deux mille. Mon ami a payé et de toute façon, je ne suis pas là pour ça.
- Deux mille habibi, donne.
- On ne se comprend pas je crois.
- Donne deux mille et on va se comprendre. Ton ami a payé mais les hommes nous donnent peu.
- Deux mille, voilà.
- Merci habibi. Maintenant, je suis ta chose. Vas-y !
- Tu parle mina ?
- Tu travailles pour qui ? Pourquoi tu m'interroges ? Tu es journalistes ? J'appelle les hommes.
- Je suis écrivain ; non n'ouvre pas la porte ; je ne suis pas là pour te coller du souci ; je fais des recherches sur le mina. Parles-tu cette langue ?
- Tu gagnes de l'argent en faisant des recherches sur une langue ?
- Non, enfin oui mais…
- Ecoute si tu es timide, que c'est ta première fois, que la honte te mange le cœur, ne me raconte pas n'importe quoi. Depuis deux ans, j'en ai vu de tout.
- Ça fait deux ans que tu… que tu travailles ici ?
- Ici, ce n'est pas du travail. C'est juste "comment faire autrement ?" Je n'ai pas de mari. Je ne peux plus en avoir. J'en avais un. Il m'a répudiée. Il a gardé ma fille. Les hommes ne veulent pas d'une femme qui a servi ailleurs. Peut-être pas tous. Mais pour moi, c'est réglé. Et de toute façon, cela les arrange les hommes, qu'il y ait des femmes comme nous pour avaler leur désir, pendant qu'ils gardent au frigo leurs futures épouses. Non, je ne parle pas mina. Peu de personnes parlent encore cette langue. Mais je parle binki. Si vous avez besoin de quelqu'un pour le binki…
(pp.40-41)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Création au CDN Orléans dans une mise en scène de Balazs Gera et reprise au TARMAC en octobre 2008.

Biblographie
Olivier Pradel, "A tripes nouées", http://www.lestroiscoups.com/article-23837710.html

 
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Fiche réalisée par Héloïse Adair, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA

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