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Fiche pièce
Village fou ou Les déconnards



L'AUTEUR
Kwahulé Koffi



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Village fou ou Les déconnards
Kwahulé Koffi

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Séverine Nativel, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA


  Côte d'Ivoire
2000
Acoria Editions
 
Genre
Monologue

Nombre de personnages
1 homme
La voix off

Longueur
43 pages


Temps et lieux
Une chambre de bonne, dans une grande ville. L'époque semble être la nôtre (XXème-XXIème siècle).

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

C'est l'histoire d'un étudiant dont on ne connaît jamais le nom. Il est désigné tantôt par "le Locataire" tantôt par "Monsieur". Nous entrons dans des histoires folles, aussi sagaces qu'amusantes, avec un nouveau locataire qui ressemble étrangement à "Monsieur". Une cassette reste de son passage en France, un témoignage d'une vie emportée par un métro loin de ses racines, où seules les histoires du village comblent la solitude. Il y a aussi cette maladie cette "sale pute, qui ne tue pas mais dont on ne guérit jamais" (p. 17), qui vient parfois interrompre ses récits par un souffle asthmatique. La première histoire qui nous fait voyager dans le quotidien trépidant de Djimi et de ses "déconnards", est celle de Dynamo qui séduit la femme de son cousin. L'histoire finit par "déconner" devant le tribunal, qui à partir de là refusera de s'occuper de quoi que ce soit qui concerne le village. D'ailleurs personne ne veut plus y aller car à la moindre occasion c'est la bagarre : "Ah Djimi ! Si vous allez jouer au football chez eux et que vous gagnez le match ils vous frappent, si vous faites match nul ils vous frappent, et même s'ils le gagnent ils vous frappent quand même." (p. 17). Le récit continue avec ce chasseur devenu fou à trop comprendre le monde, un match de football, une bagarre entre deux femmes et une pensée sur le racisme. Suit l'histoire de l'étudiant mangé par des sorciers et livré par sa tante à cause d'une dette. Puis vient une fable sur la vision de la Création et de la Mort : "N'Gbin" et "Anangamman". Enfin le récit sur Aléman, son drapeau idolâtré baptiser "De Gaulle" et sa femme hideuse comme "un cadavre qui louche" que son mari nommait "Gestapo".

 
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Parcours dramaturgiques

Entre-deux spatio-temporel
La pièce se compose d'un un seul tableau encadré par une voix off au début et à la fin du monologue. Différents espaces temps structurent la pièce qui s'ouvre sur une chambre de bonne en France. Une voix off ouvre et ferme le monologue et présente la situation : on apprend que celui qui raconte est déjà mort : "Monsieur ne rentrera plus ; ça faisait treize jours qu'il s'était jeté sous le métro une nuit" (p. 16). La cassette du témoignage devient un prétexte pour libérer une parole solitaire et trop longtemps étouffée mais cette cassette est aussi la trace d'une existence. Elle nous transporte dans un temps révolu, celui du "Locataire", nous sommes toujours dans la chambre mais au moment où il raconte. Enfin, par les récits du narrateur nous voyageons dans son pays et son village natal où le temps est dilué. En effet, ce qu'il nous raconte peut se passer en même temps que sa vie en France, comme cette lettre de son cousin, mais ce sont des histoires qui pour la plupart font référence à un passé au village ou à des histoires transmises, comme celle du chasseur qui riait à l'enterrement de son beau-père. Nous sommes ballottés entre ces deux espaces temps : nous oscillons entre l'environnement de la ville "bruit du métro ", de l'immeuble "bruits de pas dans les escaliers" et les commentaires du narrateur sur le pays quitté : "bon voilà, à force de parler de tout et de rien, je ne sais plus où j'ai laissé l'ami de mon frère… Je crois qu'on l'enterrait…oui c'est cela, on était au cimetière.". Enfin, le souffle asphyxié du narrateur nous ramène régulièrement au lieu d'où il raconte : "le narrateur s'interrompt (il s'interrompra souvent). Sa respiration suffocante, est rythmée par un sifflement difficile,…" (p. 17).

Un conteur moderne
Ce monologue donne l'impression d'entendre la parole d'un conteur qui nous demande de croire à l'incroyable : "Avant toute chose, il faut que je te prévienne : ces histoires, tu peux les croire ou non, mais elles sont vraies." (p. 16). Et nous nous laissons en effet emporter par cette dramaturgie du rêve, remplie de situations fantastiques données pour vraies. Le fait que le narrateur même puisse douter de la véracité de ce qu'il raconte, pousse à croire à un univers onirique : "Il me revient des fois des histoires tellement incongrues que je me demande des fois si ce n'est pas ma mémoire qui divague." (p. 21)
Le conteur propose une dizaine de fables modernes qui éveillent une imagerie mentale chez le lecteur et/ou spectateur. Une histoire en engendre une autre avec fluidité et c'est comme si "le locataire" était un canal par lequel passeraient les voix lointaines de ce "Village fou". Ainsi certains dialogues se mêlent au récit sans qu'il n'y ait de changement typographique : "De Gaulle c'est fini ! Et si tu n'est pas content me voilà, fais ce que tu veux ! Si tu peux ! Aléman était là, immobile, hagard d'incrédulité. Pourquoi as-tu fais cela ? Pourquoi as-tu fais cela à de Gaulle ? Moi je t'ai giflée, c'est vrai, mais de Gaulle qu'est-ce qu'il t'a fait, lui ?..." (p. 50). Ce procédé renforce la sensation que le narrateur est au dessus de la scène, comme une caméra qui nous donne à voir ce qui se passe dans les moindres détails.
L'auteur joue avec la poésie de la langue, et son écriture métaphorique transforme la réalité comme en atteste le passage sur le racisme présenté comme un poème :
"[…] Des mots et des mots
Des mots vides et flasques
Comme un sexe épuisé,
Des mots humides et lourds
Comme des seins de nourrice,
Des mots raides et durs
Comme un sexe guerrier, […]" (p. 41)
L'humour se mêle aux réflexions philosophiques.

 
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Pistes de lecture

Traditions et monde contemporain
Toutes ces fables modernes prennent leurs sources dans les mystères de l'Afrique mais aussi dans une parole universelle qui nous parle d'une Afrique à l'interface de son essence et de l'histoire coloniale. "Et à travers ces récits qui s'enchevêtrent c'est toute l'Afrique qui défile avec dérision et tendresse : l'Afrique d'hier et l'Afrique d'aujourd'hui, l'Afrique des villages et l'Afrique des traditions, l'Afrique des contes et l'Afrique des superstitions, l'Afrique de la sorcellerie et l'Afrique des palabres, l'Afrique du football et l'Afrique de l'immigration…" écrit Sylvie Chalaye dans la préface de Village fou.
En effet, à travers le narrateur nous pouvons percevoir une Afrique marquée par les rêves d'une France qui n'existe que dans ses fantasmes. Notamment avec Aléman et son amitié fictive avec De Gaulle, qui dénonce également la non reconnaissance de la France face aux tirailleurs sénégalais eux-mêmes, acteurs d'une guerre dont la raison à ce moment là leur échappait certainement.
Se pose aussi la question de la place de l'immigré et de sa quête identitaire à travers cet homme à qui on a donné une "culture française" dans son pays mais qui n'arrive pas à trouver sa place en France. Le tiraillement est accentué par l'espace clos de la chambre de bonne, qui renforce l'idée de prison psychologique.
Le théâtre de Koffi Kwahulé questionne la nécessité du rêve, de l'irréel et de l'imaginaire au théâtre mais aussi dans la construction et la reconstruction d'une identité subjective et collective. L'auteur pose des questions mais laisse le spectateur libre d'y répondre.

 
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De plain-pied dans le texte

Qu'est-ce que l'homme pour eux ? Parce qu'il faut savoir ce qui va mourir. Pour eux, il n'est ni matière ni esprit. Alors qu'est-ce qu'il est ? L'homme c'est du rien, un rien qui en réalité n'est pas rien et qu'ils nomment N'Gbin. Parce qu'au commencement, croient-ils, il n'y avait même pas les ténèbres. N'Gbin est une poussière tellement minuscule que même le microscope le plus puissant ne pourrait le détecter. N'Gbin ne peut se mesurer, se peser, se sentir, se voir. Cependant il est, autrement il n'y aurait Rien. Un jour, N'Gbin qu'on peut traduire par Rien, fut pris d'une irrésistible envie de péter. Mais par où péter ? N'Gbin n'avait même pas d'anus. Quelle idée aussi de vouloir péter quand on n'a pas d'anus !... N'Gbin finit par exploser. Putain, quelle explosion ! et ça puait, ça puait, ça puait. En explosant, Rien fit découvrir un autre monde jusque-là insoupçonné : Anangamman, tel est le nom qu'ils donnent à cet univers. Anangamman ! Anangamman était encore moins que rien. C'est rien, rien du tout mais alors quand je dis rien c'est rien. Disons qu'Anangamman c'est l'Absence.
Lorsque l'Absence vit Rien se déchirer, elle ouvrit la gueule et se mit à l'avaler. Anangamman ne se contente pas d'avaler tout ce qu'il approche, il broie, le digère pour le transformer en Absence puisque sa raison d'être est de ne pas être. Or pour que l'Absence parvienne à avaler tout Rien, il lui fallu s'avaler elle-même. La création est donc la fille de ce couple étrange et parce que l'Absence a juré d'avaler Rien, toute mort est ressentie comme une défaite ; il convient de rester digne dans la douleur pour frustrer l'Absence de la jouissance d'avoir gagné une bataille.

Pages 44-46.

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Création par Sidiki Bakaba et l'auteur (avec Sidiki Bakaba), Avignon 98, à La Chapelle du Verbe incarné.
Reprise au MASA 1999 à Abidjan (Prix UNESCO du MASA 99).
Création burkino-malienne de Lamine Diarra (avec Aristide Tarnagda) à L'Institut Français du Mali, puis Institut Français du Burkina-Faso, mai-avril 2011.
Création congolaise (Monsieur Ki) par Abdon Fortuné Koumbha (avec Sorel Koumbha) (avec Sorel Boulingui) en décembre 2013 au Festival Mantsina de Brazzaville.
Création béninoise par le Théâtre National du Bénin, mise en scène de Kocou Yémadjè en novembre 2015 au FITHEB.
Création congolaise (RDC) jeu et mise en scène de Michael Disanka, Festival Mantsina sur scène-Brazzaville 2015.
Création radio France Culture à La Chapelle du Verbe Incarné d'Avignon, réalisation : Hélène Daude, 1998.

Bibliographie
SOUBRIER Virginie, Le théâtre de Koffi Kwahulé: l'utopie d'une écriture-jazz, Éditions Rodopi, Amsterdam/New York, 2014.
BARRIÈRE Caroline, Le théâtre de Koffi Kwahulé : une nouvelle mythologie urbaine, Paris, L'Harmattan, 2012.
KWAHULÉ Koffi & MOUËLLIC Gilles, Frères de son : Koffi Kwahulé et le jazz, Éd. Théâtrales, 2007.
OMOWUNMI Busari Kawthar, Le féminisme dans l'oeuvre théâtrale de Koffi Kwahulé, thèse de doctorat (Philosophie) soutenue le 30 septembre 2015 (Ahmadu Bello University, Zaria - Nigeria) sous la co-direction des professeures Ifeoma M. Onyemelukwe et Doris L. Obieje.
BEL-FRANKIAN Agathe, La poétique de la truculence dans les théâtres contemporains des diasporas afro-descendantes en France, au Brésil et aux États-Unis (Koffi Kwahulé, Marcio Meirelles, Suzan-Lori Parks) Thèse de doctorat (Études théâtrales) soutenue le 2 décembre 2014 à La Sorbonne sous la co-direction des professeures Antonia Pereira (professeure, UFBA-Salvador de Bahia) et Sylvie Chalaye (Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III).
LE GUEN Fanny, Belles de jazz. Voix et violence des figures féminines dans le théâtre de Koffi Kwahulé, Thèse de doctorat (Littérature française et comparée) soutenue le 18 décembre 2012 à La Sorbonne sous la direction du professeur Denis Guénoun.
DIDI-HUBERMAN Georges, Survivance des lucioles, Paris, Éditions de Minuit, 2009.
Christophe Konkobo avec Alfred Dogbé et Koffi Kwahulé, Un théâtre contemporain, africain ou pas ? (Entretien), publié le 17/03/2006.
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=4353
Aby M'baye, "Le racisme, une tradition française ? Autour de l'œuvre de Maïmouna Gueye, Bambi, elle est noire mais elle est belle", article publié le 10/04/2006. http://www.africultures.com/index.asp?menu=revue_affiche_article&no=4369§ion=cahier
"Koffi Kwahulé, un théâtre qui cherche la note bleue" propos recueillis lors d'une rencontre organisée à l'université de Paris III avec les étudiants de Licence de l'Institut d'Etude Théâtrale, janvier 2001.

 
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Fiche réalisée par Séverine Nativel, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA

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