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Au nom du père et du fils et de J. M. Weston
Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Pierre-Angelo Zavaglia
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République démocratique du Congo
2013
Acoria
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Genre
Drame
Nombre de personnages
4 hommes
Longueur
7 tableaux
70 pages
Temps et lieux
Au Congo. Temps indéfini.
Thèmes
Mots-clés
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Consultation de la fiche par rubriques |
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Un premier repérage :
la fable
Résumé de la pièce
Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité
de la structure et son fonctionnement général par
rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.
Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique
qui permet de dégager une interprétation et les
véritables enjeux de la pièce
De plain-pied dans le texte
Un extrait
Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture
à sa création en passant par les lectures dont elle
a pu faire l'objet
Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce
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Un premier repérage : La fable
Criss et Cross, deux frères, deux dandys en lambeaux, reviennent dans leur ville, là où leurs parents ont été massacrés. Après des années de guerres civiles, ils n'ont qu'un seul souci, creuser pour retrouver la paire de chaussures J. M. Weston enterrée dans la parcelle de leur père. Ils creusent et en même temps se souviennent des horreurs que leur famille et eux-mêmes ont vécues : l'histoire douloureuse d'un pays traversé par le colonialisme, la dictature puis la violence de la guerre civile. Parallèlement, ils refont l'histoire des "sapeurs", ces fous de la S.A.P.E. (Société des Ambianceurs et des Personnes élégantes).
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Parcours dramaturgiques
La pièce est divisée en sept "souffles" qui sont autant de tableaux qui structurent les discussions de ces deux frères qui tentent de se repérer d'après leurs souvenirs dans la ville natale détruite et méconnaissable. Si leur parole est le moteur constant de l'action, ils ne sont pas seuls pour autant. Ils font la rencontre de l'ivrogne Bayouss, dépositaire d'une mémoire des lieux du passé, ainsi que l'homme à la contrebasse, sorte de spectre de leur père qui s'exprime également par le biais d'une voix off intempestive qui s'immisce au milieu des répliques d'autres personnages. Ainsi, chaque souffle est mené par les discussions des deux frères entre eux mais aussi avec les spectateurs et deux autres personnages énigmatiques qui surgissent par intermittence. Ces échanges continuels évoluent selon une dynamique qui dévoile chaque fois plus le passé et les douloureux souvenirs de la guerre pour se conclure sur un dernier "souffle" autour de l'objet recherché : la paire de chaussures J. M. Weston qui permet de mener une réflexion sur ce symbole du dandysme en remontant aux sources du colonialisme.
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Pistes de lecture
Une parole hémorragique et évocatoire
Cette pièce est avant tout basée sur la circulation constante d'une parole qui s'écoule de la bouche des personnages à la vitesse du sang qui jaillit d'une blessure mal refermée. Dans une note, l'auteur dit du Congo qu'il est "un pays où la Kalachnikov est devenue un stylo pour écrire l'avenir". Julien Mabiala Bissila fait de l'écriture une arme pour écrire le passé et penser avenir. Les dialogues entre les deux frères sont d'une grande vivacité et s'ouvrent à plusieurs reprises aux spectateurs qui sont pris à partie en tant que réceptacle de cette parole, oreilles tendues et attentives. Les tirades ont également une place prépondérante dans la pièce et notamment dans la bouche du personnage de Bayouss. Sa parole aux relents alcoolisés semble la plus à même d'exprimer la "gueule de bois" de cette guerre et les souvenirs confus qu'elle a laissés. Par de longs développements, les personnages construisent dans la chair même des mots le paysage dévasté des conflits. La langue française est prise à bras le corps par l'auteur pour lui faire cracher la réalité brute d'un vécu à la limite de l'indicible. Cette réappropriation des mots devient un véritable jeu avec le langage qui permet de prendre de la distance avec l'horreur et de construire une matière poétique capable d'évoquer dans l'esprit du spectateur une infinité d'éléments qui débordent l'espace de la scène. La parole et la narration priment ici sur l'action qui est presque intégralement contenue dans les mots. Libre aux metteur en scène et aux acteurs de faire vivre ces récits épiques.
Un rire énorme
Comme le dit Julien Mabiala Bissila dans un entretien conduit en 2012 aux Francophonies en Limousin, sans le rire "on n'avance plus". La nécessité de rire est présente tout au long de la pièce. Les frères racontent des blagues au public ; Bayouss avoue en rigolant qu'il a inventé un faux souvenir. La langue de la pièce elle-même enchaîne les jeux de mots et les métaphores loufoques. Ce contraste entre la violence de la guerre dont il est question et l'omniprésence du rire a pour effet de permettre la construction d'une poétique du grotesque qui parcourt toute l'Åuvre. Grâce à ces personnages charismatiques et vifs, on renoue avec l'esprit des conteurs. Cette parole hémorragique se sert constamment du rire pour happer le public, créer une véritable connivence et rebondir sur les réactions de l'auditoire. Une joyeuse organicité se dégage de la prose de ce texte qui semble aller à toute allure.
Une méditation shakespearienne
Il n'est pas innocent de mettre en scène dans un texte de théâtre deux hommes qui creusent. Bien qu'ils soient à la recherche d'un objet et non pas en train de creuser un tombeau, il est difficile de ne pas penser aux deux fossoyeurs de Hamlet qui "chantent en creusant des tombes". Criss et Cross fonctionnent un peu comme les deux faces d'une même pièce, et, à l'instar des fossoyeurs de Shakespeare, ils ont l'énergie et la verve de deux "clowns" (telle est leur dénomination dans le texte anglais). Un autre élément de la pièce de Julien Mabiala Bissila vient évoquer subtilement Hamlet : l'intervention de l'homme à la contrebasse et la voix off qui sont tous deux désignés dans la liste des personnages comme étant le "spectre du père" (p. 9). Cette voix off ouvre la pièce dans un "Souffle zéro" qui fonctionne comme un prologue qui lui est entièrement dédié. Elle semble venir d'outre-tombe et martèle l'absence du corps et la souffrance de la guerre. Tout comme dans la scène 1 de l'acte 1 de la pièce de Shakespeare, ce fantôme est un déclencheur de la pièce et vient rappeler quelque chose de funeste. "Il évoque le temps qui passe et la douleur vécue" (p. 9), apprend-on dans la distribution des personnages. Mais contrairement au spectre d'Hamlet, ce fantôme n'appelle pas à la vengeance mais plutôt à se souvenir des horreurs du passé.
Si le parallèle avec la pièce de Shakespeare s'arrête là , il est intéressant de percevoir ainsi cette lointaine évocation qui charrie les grandes questions de la convoitise du pouvoir, des meurtres entre dirigeants et de la folie que les intérêts politiques suscitent chez les êtres humains.
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De plain-pied dans le texte
BAYOUSS : Oui, pourquoi, on se connaît? (Silence) Nom d'un préservatif en bambou !
Mais c'est bien vous, les fils de⦠je connais votre père c'est monsieur⦠euh merde !
Votre père, un amateur de jazz, n'est-ce pas ?
C'est le professeur d'anglais qui avait 4 femmes ?
Oui je le connais. (Rire) Venez, vous voyez là ? C'est là !
Votre père est mort dans la rue d'à côté.
La tête totalement rasée par une bombe affamée.
Des bombes fabriquées et manipulées par des soldats fous,
Sa viande rôtie parle feu de l'acier,
A servi de provisions aux chiens du quartier.
Pour le moment, parce que c'est difficile,
Je vous épargne les détails de la mort de votre maman.
Heureusement que dans ce désordre, son âme a fui
De là où elle était cachéeâ¦
S'il faut revenir sur terre dans un autre corps,
Pour une autre vie encore,
Même avec la menace de Dieu le père,
Elle refuse de refaire une aventure sur terre.
Quant au petit chien de votre papa,
La nuit, il aboie dans le ventre des soldats.
Plié, braisé et broyé.
Votre chat est le seul rescapé.
L'unique félin qui nous restait.
Les autres, les soldats les chassaient.
Des engins blindés,
Encerclés par des hommes castrés,
Des gros tirs à fondre un immeuble,
Tout le dispositif d'un coup d'Etat,
Juste pour chasser un chat.
Votre gros matou, Lamine,
C'est Brigitte Bardot qui l'a sauvé.
Sinon, dans l'huile d'olive, le cuisinier chinois de monsieur le Maireâ¦
Vous voyez ? Attendez, c'est là !
Non, je crois que c'est dans l'autre rue.
Je ne sais plus trop. Parce qu'il y a plus de cinq rues qui ont poussé de ce côté-ci,
Et d'autres ont disparu laissant la place à des savanes urbaines.
Par exemple, ici, il y avait une avenue qui a été démontée et vendue en Asie.
Mais votre maison était quelque part, par là .
Je crois que c'est là où se trouve maintenant le poste de police.
Mais c'est à vérifier. (Il sort une cigarette.)
Une maison chic en pierre !
Oui, les briques ont été récoltées comme des graines d'arachide,
Echouées devant une barricade,
Moulinées par des gueules cannibales. (Cherche un briquet dans ses poches.)
Maison vendue par-ci par-là en pièces détachées.
Toute une maison zappée.
Votre père, votre maman, votre chat, le chien, la maison, zigouillés.
S'il vous plaît, n'auriez-vous pas du feu ?
(p. 38)
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Pour poursuivre le voyage
Du texte à la scène
Au nom du Père du fils et de J. M. Weston est lauréate des journées de Lyon des auteurs 2011. La pièce a été lue et mise en espace aux 29e Francophonies en Limousin en 2013, à Avignon la même année avec RFI dans le cadre de "ça va, ça va l'Afrique" puis sur France Culture, Festival contre-courant, et au Festival Dramaturgie en dialogue à Montréal.
En novembre 2015, Julien Mabiala Bissila met en scène la pièce au Tarmac avec les comédiens Criss Niangouna, Marcel Mankita et lui-même.
Il commence une tournée africaine de sa mise en scène en mai 2016 en parcourant une dizaine de pays pour terminer à Brazzaville.
Bibliographie
Entretien réalisé par Nadine Chausse avec Julien Mabiala Bissila pour Au nom du père, du fils et de J. M. Weston, Les Francophonies En Limousin, 2012. |
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Fiche réalisée par Pierre-Angelo Zavaglia
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