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Fiche pièce
Nuit porte caleçon (La)



L'AUTEUR
Bah Hakim



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Nuit porte caleçon (La)
Bah Hakim

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Morgan Vallée, étudiante en Master 2, Paris 3


  Guinée
2016
 
Genre
Tragédie

Nombre de personnages
3 femmes
4 hommes
3 choeurs (nombre et genre indéfinis)

Longueur
3 actes
84 pages


Temps et lieux
Pendant un événement sportif de grande envergure dans la ville d'un pays émergent. On pense à la finale de la coupe du monde de football 2014 au Brésil.

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Première partie :
Le boulanger Pochard, appelé le Père, refuse que son fils unique, Gaspard, continue d'exercer son travail à la morgue, le jugeant dégradant pour sa dignité. Mais Gaspard ayant perdu sa mère récemment ne parvient pas à finir son deuil et son travail au contact des cadavres qui le rapprochent du souvenir de sa mère. Il outrepasse les limites et viole un cadavre. Il est alors immédiatement expulsé de son travail et décide de s'engager dans la police.
Jaki-Pipi est éboueur, mais la grève des déchèteries l'oblige à entasser les ordures du quartier dans sa propre maison. La puanteur est insupportable et fait battre de l'aile son couple qui lui est cher. En effet, la jeune mariée Miss Maria refuse d'élever son futur enfant dans un environnement si nauséabond. Jaki-pipi décide donc, sur les conseils de sa dulcinée, de profiter de la coupe du monde organisée dans sa ville pour vendre des boissons fraîches à la sauvette.
Gaspard est amené à confisquer la marchandise de Jaki-pipi qui, emporté par le désespoir, se donne la mort sous les yeux du policier. Bouleversé par cet acte de violence ultime, Gaspard quitte l'uniforme et s'enfuit.

Deuxième partie :
La nouvelle femme et son amant, appelé L'ami, sont devant le cadavre de Pochard le père qui est décédé d'une crise cardiaque foudroyante en les surprenant en plein adultère.
Miss Maria et Gaspard se percutent dans un bus. La politesse glisse rapidement vers les insultes.
La nouvelle femme et l'Ami tente de transporter le cadavre de Pochard pendant la nuit. Ils sont surpris par Miss Maria qui interrige la nouvelle femme pour une étude sur les fesses proéminentes et l'atout qu'elles représentent, et notamment "leurs bienfaits sur le développement du cerveau" (p. 58). Des inserts nous dévoilent le passé des personnages et nous apprenons que Miss-Maria avait une liaison avec Pochard et qu'elle est enceinte de lui. Prise de jalousie, la nouvelle femme rue Miss-Maria de coups. Cette dernière s'effondre au sol.
Gaspard nous parle de sa première rencontre avec un corps mort quand il était petit. En parallèle, le chœur des "habitants" narre sa recherche d'une terre de repos pour le cadavre de son père. Mais ils lui apprennent que son père avait fauté en couchant avec une des femmes de son propre père, le grand-père de Gaspard, et qu'il n'est donc plus le bienvenu sur la terre de ses ancêtres (d'où il fut exilé des années auparavant). Les habitants refusant de pardonner au père, Gaspard décide de l'enterrer lui-même et de faire honneur à sa mémoire.

Troisième partie :
Gaspard est accusé du meurtre de Jaki-Pipi. Il est condamné à mourir. Il n'a pas d'avocat et constitue seul sa défense. Il se repend du mal qu'il a pu commettre même s'il ne s'agit pas du meurtre en tant que tel, qu'il n'a pas commis, mais regrette d'avoir porté l'uniforme qui l'a, selon lui, conduit à dépasser les limites de la violence morale et a poussé un homme au désespoir profond.

 
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Parcours dramaturgiques

Du théâtre aux artifices, la parole EST
La pièce débute par un prologue que l'on pourrait qualifier de méta-théâtral. Nous assistons à la mise en scène de divers éléments du cosmos personnifiés, comme la nuit, le soleil ou encore le vent. Ce prologue métaphorique nous plonge dans la peur de l'inconnu. La nuit cache, dissimule, envahit tout. Cette menace d'obscurité au dehors et au dedans du cœur des hommes envahit toute la pièce. Le spectateur, effrayé par ce spectacle noir et tonitruant, cherche en vain une lumière, des réponses, un espoir.
La nuit se fait noire (de plus en plus) on se tourne vers le ciel pour qu'à nous se dévoile (au moins) une lueur
La lune n'y est pas : La lune ne se montre pas
La nuit porte caleçon
Porte caleçon. (p. 4)
A la merci de la nuit, c'est ainsi que les personnages vont courir à leur perte, pris dans un engrenage qui semble les dépasser. Cette notion de destin intervient dans l'évolution dramaturgique de la pièce. Les différentes figures sont soumises à des destins sanguinaires qui sont ici les lois sociales. "La loi a des humeurs que nous autres on ne contrôle pas", déclare le fantôme de la mère (p. 20).

Les dialogues sont fragmentés, comme pour signifier l'échec et la vanité des relations humaines. Les personnages ne communiquent pas réellement, on assiste d'avantage à des monologues interposés. Les adresses changent, elles ne sont pas toujours directes, comme s'il fallait chercher des intermédiaires pour se parler enfin. Les paroles naissent de toutes parts, de fantômes, de souvenirs (réminiscences), d'imaginaires morbides…

Les espace-temps se conjuguent et se superposent, interfèrent avec l'action théâtrale, viennent modifier, recréer les rapports entre les personnages. Ceux-ci créent leur univers grâce à la parole qui fait acte de création, de vérité. Les mots se réalisent dans l'instant :

Miss Maria : Pourvu qu'on ne se marie pas
Jaki-pipi : n'exagérons pas, on a bien fini par se marier
se passer la bague au doigt (p. 7)

Gaspard : T'as même pas pris le temps de faire son deuil
maintenant c'est une autre qui est là
La nouvelle femme [voix] : C'est bientôt fini (p. 18)

 
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Pistes de lecture

Naître ou ne pas naître
La nuit porte caleçon traite de la condition humaine. L'auteur y aborde les différents rapports de l'homme à la société ainsi que les relations interhumaines elles-mêmes. Ces deux échelles, sociales et humaines, sont mêlées avec la personnification des institutions comme la loi, le gouvernement, et les archétypes du pouvoir et de la pauvreté incarnés par les personnages.
La société régit les identités des hommes, les façonne. Tout un chacun devient ce qu'il représente socialement. L'homme ne s'appartient plus. Son identité lui échappe. Miss Maria perd sa propre odeur pour endosser celle de la misère avec les effluves des ordures entassées chez elle ; Gaspard est dépassé par le pouvoir de son uniforme qui prend pleine possession de son discernement ; Pochard mort ne sera regretté que pour ses pains.
Le haut commandement : Tout est décidé d'avance
avant même le premier jet de sperme
avant même le premier cri (p.48)
Les personnages sont écrasés par le gouvernement et la société, représentés en partie par les chœurs du haut commandement et les habitants, qui cherchent à évacuer la misère à tout prix pour un faux semblant de paix et d'harmonie sociale : "j'empeste la paix sociale", "j'empeste l'existence des pauvres gens", "me tuer c'est rendre justice à la quiétude sociale" (p. 32). Ce discours extrémiste qui bannit la pauvreté justifie et valorise la violence et le non respect de l'homme. Les personnages sont poussés dans la misère par le système, dans une pauvreté qui entache la dignité humaine, par ce même système qui cherche à éradiquer cette misère. Jaki-pipi ne peut plus exercer sa profession d'éboueur car la société ne fonctionne plus ; il est donc forcé à se reconvertir dans un métier illégal. Gaspard, obéissant au haut-commandement, le pousse au suicide et il est finalement condamné à mort, accusé de meurtre par la justice. Le pouvoir se dédouane de toute conséquence tragique et n'agit que pour son propre profit, essentiellement pécunier puisqu'il s'agit dans cette pièce de la coupe du monde de football organisée par la FIFA.

Une langue hétéroclite et substantielle
Le texte est exempt de toute ponctuation, ce qui lui confère une fluidité remarquable ainsi qu'un rythme quasi musical. Tout se joue sur les souffles des retours à la ligne, les répétitions (légères ou abusives), et la mélodie des mots, parfois employés pour leur seule sonorité : "glissement tremblement chancellement claquement craquement évaporation" (réplique de Gaspard, p. 83).
L'auteur joue sur les maladresses de langage, et plus particulièrement sur les erreurs d'expression, donnant naissance à une poésie ingénue et délicate, qui transcende les personnages au-delà de leurs considérations prosaïques : "Tu perds encore le sens du discernement" (p. 12), "Y a des bouches qui n'attendent que tombe mon fin de mois" (p. 14), "Les temps sont devenus des cailloux à croquer" (p. 22), ou encore "tu me tues l'existence" (p. 37).
La langue est traitée comme un véritable matériau. Elle est déformée, se déploie dans les distorsions tout en provenant d'univers très hétéroclites. Certains passages en italique sont des extraits de publicité, d'autre d'interviews, de slogans publicitaires, d'études scientifiques… Tous ces apports enrichissent la qualité de la proposition textuelle mais permettent aussi d'ancrer le drame dans une réalité familière. On a l'impression de naviguer sur internet, avec des inserts qui viennent polluer le cours de l'histoire tout en conférant une valeur ajoutée commerciale et attractive. On se sent consommateur, on se sent en proie à un discours séduisant d'un profit à tout prix, au détriment de la tragédie humaine. Un homme est mort, le cœur brisé par l'adultère de sa nouvelle épouse, son corps fraîchement décomposé dégage une odeur nauséabonde, mais qu'à cela ne tienne.
Guerlain
Une fraîcheur sauvage qui ne pourra qu'éveiller l'animal qui sommeille en tout homme
Accord mojito désaltérant (réplique de Miss-Maria, p.62).

 
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De plain-pied dans le texte

GASPAR : Je me suis assis (alors) sur sa poitrine
et tenais ses deux oreilles "Monsieur"
sa tête "Monsieur"
remuais sa tête "Monsieur"
ouvrais et refermais sa bouche "Monsieur"
ouvrais et refermais ses yeux "Monsieur"
entrais et sortais mes petits doigts dans sa bouche
"Monsieur"
tirais sa barbe "Monsieur"
tirais ses cheveux "Monsieur"
Quand d'un coup de pied bien armé "Dégage de là petit"
Un homme (je ne l'avais pas vu venir)
Il avait dit petit oui j'étais encore petit tout petit
Mon âge à ce moment-là quel âge
Je suis parti en courant

LES HABITANTS (chœur) : Dieu tout puissant là-haut de là-haut voilà Satan qui revient sous un corps nouveau sans souffle sans parole bien dans son silence hanter (encore) nos maisons

LE PÈRE : Mon âme ne sera en paix que sous la terre de mes ancêtres.

(p.71)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
La nuit porte caleçon est le deuxième volet d'une trilogie intitulée "Face à la mort". Cette pièce est née d'une résidence d'écriture à la Cité Internationale des Arts à Paris dans le cadre du programme "Visa pour la création" de l'institut Français en partenariat avec le Tarmac (scène internationale francophone).

Le texte est ensuite lauréat pour la saison 2014-2015 du prix du "quartier des auteurs" au Tarmac décerné par un comité de lecture se rassemblant tous les mois autour de textes dramatiques inédits, écrits en français par des auteurs étrangers et d'Outre-Mer (vivant ou non en France). Il a fait l'objet d'une lecture le 6 mai 2015 par les élèves comédiens de la promotion 2017 de l'ESAD (Ecole Supérieure d'Art Dramatique de la ville de Paris), mise en espace par le directeur, Serge Tranvouez.

Le texte est ensuite mis en scène par l'auteur, Hakim Bah, au sein de sa compagnie Paupières mobiles. Il est joué le 5 avril 2016 à l'université Paris Ouest Nanterre la Défense.

Il fait ensuite l'objet d'une résidence de création à Confluences, lieu d'engagement artistique à Paris. Il est joué le 18 et 19 mars 2016.

La nuit porte caleçon a été mis en lecture au Théâtre du Vieux-Colombier le 28 mai 2016 par la troupe de la comédie française dans le cadre des "lectures vagabondes". Cette lecture était dirigée par Hakim Bah en collaboration avec Laurent Muhleisen.

La nuit porte caleçon a été mis en scène par Hakim Bah en collaboration avec Diane Chavelet au Studio Théâtre de Vitry du 6 au 9 octobre 2016.

Bibliographie
Virginie Brinker, "Le tragique des mots - Une lecture de La nuit porte caleçon d'Hakim Bah" mis en ligne le 1er juillet 2015
https://la-plume-francophone.com/2015/07/01/hakim-bah-la-nuit-porte-calecon/

"Les francophonies en limousin", article dédié à Hakim Bah
http://www.lesfrancophonies.fr/BAH-Hakim

Interview vidéo de l'auteur sur "ARTTES magazine", mise en ligne le 9 avril 2014 (interview de Gonzalo Garzo)
https://www.youtube.com/watch?v=TxM6orULBGM

Focus auteur n°23 des "écrivains associés du théâtre", mis en ligne en mars 2016
https://vimeo.com/152178090

 
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Fiche réalisée par Morgan Vallée, étudiante en Master 2, Paris 3

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