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Fiche pièce
Recluses (Les)



L'AUTEUR
Kwahulé Koffi



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Recluses (Les)
Kwahulé Koffi

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Marion Morvand, étudiante en Master 1, Paris 3


  Côte d'Ivoire
2010
Éditions Théâtrales
 
Genre
Tragédie

Nombre de personnages
6 femmes
3 hommes
4 témoignages

Longueur
48 pages


Temps et lieux
Afrique contemporaine après une guerre, possiblement au Burundi. Dans un lieu à l'abri des regards. Chez des gens.

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Cette pièce met en scène un groupe de femmes qui se réunit autour de "celui qui est parti et qui n'est jamais arrivé" pour parler, pour jouer. Faire du théâtre afin de se libérer du poids du secret des viols qu'elles ont subis et petit à petit faire éclater au monde ce silence imposé. On suit le parcours de Kaniosha qui va bientôt se marier. Victime du chantage immonde d'un juge menaçant de tout révéler à son futur époux, elle décide de quitter le groupe des recluses. Nahima quant à elle, en plus de devoir cacher son viol à son mari, doit faire face à la folie et au secret de celui-ci, ancien soldat semblant se croire toujours en guerre.
Entre ces différents tableaux, des projections de témoignages de femmes qui évoquent les viols dont elles ont été victimes et leur vie aujourd'hui.

 
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Parcours dramaturgiques

Une structure multiple
Avec Les Recluses nous avons à faire à une pièce de théâtre sur un groupe de femmes qui se retrouvent pour faire du théâtre. Ici la mise en abyme est assez claire et compréhensible sur toute la longueur. Là où le procédé va plus loin et amène le lecteur / spectateur dans une réalité un peu décalée, c'est avec l'indication de l'auteur au tout début : "Il est souhaitable que tous les personnages, y compris les personnages masculins, soient tenus par des femmes. " Koffi Kwahulé n'impose pas, mais propose. Si l'on suit sa proposition de lire la pièce en ayant en tête que seules des femmes sont en scène, la mise en abyme fait un pas de plus. Nous sommes en présence de ce groupe de femmes qui se met en scène. Or, quand nous les suivons chez elles, dans des scènes avec leur mari, si seules des femmes sont en présence, on peut imaginer que ces recluses ne le sont pas seulement dans leur tête (au sens de garder un secret au plus profond, l'enfouir, l'occulter) mais bien concrètement, vivant dans un monde à part, sans hommes (hormis avec "celui qui est parti et qui n'est jamais arrivé", mais que l'on ne voit jamais dans la pièce). Dans ce monde, elles rejoueraient à l'infini leurs souvenirs (en se travestissant éventuellement). Il est donc intéressant d'avoir en tête cette possibilité de lecture sans en faire un automatisme. Cette mise en abyme se fait également par le biais de la violence faite aux femmes. Ces femmes sont ensemble pour tenter de panser une blessure. Nous suivons cette histoire, cet "après" le viol. Mais à l'intérieur même de cette histoire se rejoue, dans sa construction, avec le cas particulier de Kaniosha, un rapport de force, une violence terrible. Cette femme est de nouveau l'esclave sexuelle d'un homme, dans un cadre différent mais qui la renvoie à cette condition.

Cacher et révéler
Le procédé du témoignage qui est employé par l'auteur donne une autre dimension à la lecture, et au spectacle que nous pouvons imaginer sur un plateau. Les témoignages sont stipulés sous forme de projections et aussi dans la façon dont les évènements sont évoqués par ces femmes, déclinant leur âge, leur identité. Elles témoignent avec des phrases plutôt courtes, factuelles, sans pathos. Il s'agit de femmes seules à chaque fois alors que nous avons souvent à faire à un groupe dans les scènes. Ce groupe s'exprime avec des phrases plus longues, faites de répétitions, de points de suspension, d'exclamation. L'humour y apparaît, beaucoup, malgré l'horreur. On perçoit également un enchâssement, une rencontre des scènes et des témoignages dans le sens où le témoignage fait parfois irruption dans les scènes, mais sous forme de paroles rapportées, de récits, remis en "jeu" par le groupe de femmes, et couchés sur la page différemment, avec une large marge. Ces paroles rapportées sont parfois celles de bourreaux.
Un jeu entre caché et dévoilé est perceptible. La présence du masque est importante, que ce soit dans l'utilisation d'un extrait d' "Homme invisible pour qui chantes- tu ?" au tout début de la pièce - avec toute l'ambivalence que celui-ci peut contenir - et aussi dans la présence du mot dans le titre du tableau "Le Bal des Masques". Les femmes portent en outre des masques pour faire du théâtre. En étant masquées, elles réussissent à briser le silence d'une vérité enfouie depuis trop longtemps. Il y a aussi la présence d'un homme qui semble faire accoucher les femmes recluses de cette parole libératrice ; mais on ne le voit jamais, on ne sait pas son nom, il est seulement "celui qui est parti et qui n'est jamais arrivé". Un mystère plane donc, mais cet homme, derrière sa face cachée justement est celui qui permet de mettre en lumière quelque chose. Cet aller-retour complexe entre le cacher et le dévoiler se caractérise aussi à cet endroit : les femmes recluses se dévoilent mais dans un endroit caché de tous. Personne ne doit être au courant. Alors que dans les témoignages, nous avons à faire à des femmes projetées sur un grand écran, non-masquées, dévoilant leur identité, leur âge.

Enfin la présence d'un arbre, que certains souhaitent voir déraciner est symboliquement très fort. Il représente une force de la nature, immense, imposant, visible de tous. Selon certains habitants il porterait sous lui des victimes de guerres, invisibles car enfouies, des hommes et des femmes qu'on aurait tués et enterrés concrètement. Mais pas seulement. Cet arbre est enraciné devant la maison du juge qui fait chanter Kaniosha. Il symbolise aussi cette élite qui aux yeux de tous est corrompue et impunie. Elle refuse de céder, de reconnaître ces femmes violées, victimes d'une double peine car continuant après le viol à vivre sous le poids d'une culpabilité et d'une honte injustes (voire celui d'une répudiation et de viols à venir).

 
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Pistes de lecture

De l'intime à l'universel
Dans la pièce, chaque femme est elle-même mais aussi toutes les autres. Elles sont liées par la même tragédie, une tragédie personnelle qui en devient universelle. Leur nombre fait leur force. Elles se soutiennent. Elles ont des prénoms, des paroles propres dans certaines scènes. Ces paroles par moments ne sont plus qu'une, unifiée, puissante. D'ailleurs l'auteur nous parle d'un chœur qui joue et rejoue les situations. De ce chœur parfois s'extrait une figure, décidant de jouer sa "partition" ou bien celle d'une autre recluse, se l'appropriant presque. Dans le tableau "Jeux", la didascalie donnée par l'auteur peut avoir un double sens. Il écrit "entre Recluses ". On sait qu'il s'agit d'un échange entre toutes ces femmes mais le fait que chacune puisse s'approprier les autres paroles nous amène à repenser cet "entre Recluses" comme l'entrée d'une figure qui pourrait s'appeler Recluses (notons aussi la majuscule de Recluses qui est pourtant un nom commun). De plus à travers le personnage de Kaniosha que le groupe aide, toutes les femmes mettent leur pierre à l'édifice pour faire éclater la vérité. C'est sa vérité à elle certes, mais aussi celle de toutes au final. En portant sur elle le magnétophone qu'elles lui ont offert afin de piéger le juge, Kaniosha est symboliquement accompagnée par les autres femmes.
Par le biais du théâtre mais aussi de la danse, donc du corps (corps meurtri qui réapprend à exister), ces femmes réussissent à mettre au jour une vérité qui dérange. Ceci se fait par étapes avec d'abord un partage entre elles en créant une sorte de micro-société. Le jeu permet une mise à distance de l'horreur de leurs souvenirs, leur permettant même d'en rire. Puis vient le moment où elles trouvent la force d'aller au-delà. On passe de ce groupe à un groupe encore plus petit, plus intime : un couple. Ce duo, pour faire éclater ses secrets, passe par le jeu. Le jeu de guerre, un peu comme des enfants qui s'inventeraient un monde. C'est dans ce cadre théâtralisé, et uniquement dans celui-ci, qu'est possible la révélation. L'étape ultime est franchie quand de la cellule des recluses, en passant par celle du couple, on arrive à celle de la société toute entière (lors d'un mariage, haut lieu de jeu et de mise en scène), où la révélation à tous est rendue possible et totale. L'espoir et le rire ferment la pièce.

 
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De plain-pied dans le texte

AGNÈSI : [...] Comment pourrait-il comprendre ? De toute façon, personne ne voit comment le théâtre pourrait soigner ça.

KAMÉGUÉ : Le mien il m'a répudiée quand il a su.

WANAKABÉ : Et toi, tu crois peut-être que ton mari ne le sait pas déjà ? Les langues vont si vite.
KAMÉGUÉ : Tu n'as rien fait, on t'a fait quelque chose, tu ne demandais rien, tu ne cherchais rien, mais c'est à toi d'expliquer au monde pourquoi cette chose-là t'est tombée dessus.
NAHIMA : On le lui a dit, je le sais, plusieurs fois des langues se sont déliées contre moi, je le sais. Mais pour le moment ses oreilles sont fermées au monde car il est encore dans sa guerre.

AGNÈSI : Comme une damnation. Tu étais là assise, tranquille à sourire au monde, et la chose te piétine, t'écrase. [...] Tu as beau le retourner dans tous les sens, à la fin tu te dis, tu y es pour quelque chose. Parce que la foudre ne tombe pas sur une maison par hasard, tu y es certainement pour quelque chose.
WANAKABÉ : On peut dire ce qu'on veut de celui qui est parti et qui n'est jamais arrivé, et peut-être qu'on a raison de dire ce qu'on dit de lui, moi depuis que j'en parle, ça me fait du bien ; je me sens moins seule.


(pp. 11-12)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Ce texte est le fruit du projet du metteur en scène Denis Mpunga et de l'auteur Koffi Kwahulé. Il s'est monté en deux années. Son but était de sensibiliser par le prisme du théâtre à la question de la violence sexuelle faite aux femmes. Après avoir recueilli des témoignages de femmes burundaises victimes de viol, un texte fictionnel a été écrit par Koffi Kwahulé. Des ateliers ont été parallèlement organisés pour que ces femmes amènent leur propre dire sur le plateau.
Le spectacle a été créé et joué en 2009 au Burundi, ainsi qu'à La Réunion, au Rwanda, en République Démocratique du Congo et en Belgique.

Bibliographie
Dans un entretien donné à la télévision belge, Denis Mpunga explique le projet et son processus en détails. Des extraits de la création sont également visibles. http://www.dailymotion.com/video/xc7b3w_projet-les-recluses-interview-du-me_creation

 
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Fiche réalisée par Marion Morvand, étudiante en Master 1, Paris 3

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