LABORATOIRE
DE RECHERCHE

   Présentation SeFeA
   Activités
   Partenaires
   Membres
   Publications
   Projets et appels à communication


REPERTOIRE
CONTEMPORAIN

   par titre
   par auteur
   par pays
   par genre
   par thème
 
  Recherche
 
Recherche rapide
par mots-clés
  Recherche avancée
  Actualité théâtre
Tout le théâtre africain avec Africultures.com agenda, critique, festivals, articles...

  Présentation du site
  Documents et matériaux
  Bibliographie
  Contact

  Accueil
 
 


Fiche pièce
Sur la pelouse



L'AUTEUR
Bah Hakim



Evénements à suivre
L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Sur la pelouse
Bah Hakim

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Gaspar Carvajal, Etudiant en Master 2, Paris 3


  Guinée
2014
Lansman Editeur
 
Genre
Comédie dramatique

Nombre de personnages
1 femme
1 homme
1 voix supplémentaire non identifiable

Longueur
4 tableaux


Temps et lieux
Une rue dans une ville non identifiée.

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
haut de page
 
 

Un premier repérage : La fable

Le Commandant Fout-la-trouille et la Brigadière surveillent. Ils attendent avec crainte la venue de gens qui vont descendre dans la rue, qui viendront les affronter. Ils sont là pour les arrêter. Le Commandant donne les ordres, la Brigadière répète les leçons sophistiques qu'il dispense : on doit les arrêter, parce qu'ils descendent dans la rue, parce qu'ils veulent les affronter, parce qu'on doit les arrêter. La Brigadière, qui reconnaît son propre manque d'intelligence, admire le Commandant et veut bien faire à ses yeux. Cependant, elle oublie de compter combien de personnes s'avancent vers eux, alors que selon le Commandant cette information est de première importance pour avoir l'avantage sur les manifestants. S'ensuit une nouvelle leçon : on a les armes, parce qu'on doit les utiliser, parce qu'on doit les arrêter, parce qu'on a les armes. La Brigadière, de plus en plus inquiète par les cris qu'ils entendent au loin, part à la rencontre des gens. Elle revient pour raconter son action à son supérieur : elle leur a tiré dessus, elle croit qu'ils sont tous morts. Mais elle a oublié encore une fois de compter. Le Commandant part à son tour, pour vérifier qu'ils ne se relèvent pas. À son retour, il confirme qu'il a achevé les restants, puis raconte comment il a introduit "sa kalache dans le vagin" des femmes. La Brigadière, interloquée, lui demande pourquoi il a commis cet acte. Le Commandant explique qu'il s'agit du geste le plus beau qui soit. Ensuite il essaie de la convaincre qu'il l'a fait pour dissuader les femmes de sortir dans la rue, pour les remettre à leur place. Et que tous les deux, ils n'ont rien à se reprocher, ils ont fait leur devoir, et de toute façon ils n'ont pas commis les crimes du passé, ceux de "la révolution". À tour de rôle, ils racontent ce qu'ils ont vécu sous la révolution : lui, il a vu son père enlevé de chez lui en pleine nuit, son père à elle a été pendu, et sa mère l'a eue en prison. Ils ont appris qu'il fallait se taire, et ne pas pleurer, sous la révolution.
Une soudaine envie de danser les prend. La Brigadière confesse qu'à 30 ans aucun homme ne l'a encore touchée, parce qu'elle porte un treillis. Elle veut être touchée par le Commandant, qu'il lui donne du plaisir. Ils dansent, leurs corps se rapprochent, se touchent.

 
haut de page
 
 

Parcours dramaturgiques

Le texte est divisé en quatre parties :
- Poussière dans l'œil est une courte introduction. Par la typographie, on distingue plusieurs types de voix. En majuscules et à droite sur la page, deux personnages semblent discuter sur la situation de gens dans la rue qui refusent de partir. Par la suite on attribuera ces voix au Commandant Fout-la-trouille et à la Brigadière. En italique et à gauche sur la page, une autre voix se fait entendre, faite de phrases tronquées comme "on dit que", et d'une liste de lieux qu'on peut retrouver dans une ville : "magasin/kiosque/boutique…" suivie d'une description de la circulation automobile et de ses bruits.
- Flonflon des kalaches est la partie la plus longue et raconte la tuerie. Les personnages sont clairement identifiés dorénavant. La troisième voix continue les descriptions tronquées, les listes de choses, semble inclure des textes publicitaires. Peu à peu, le même type de descriptions porte sur les manifestants qui s'avancent et les bruits qui s'échappent, les odeurs. Elle décrit le hors-scène. Une grande partie du dialogue entre les personnages est constitué de la reprise sous forme de question de ce que l'autre vient de dire : "qui nous attendons ? / ceux que nous attendons pour traquer/ qui nous attendons pour traquer ? /ceux qui vont venir d'un moment à l'autre/ qui sont ceux qui vont venir d'un moment à l'autre ?". Un certain nombre de mots sont utilisés tout au long de l'œuvre, de façon répétitive. Ces deux éléments donnent une impression de tautologie au dialogue.
- Battement de lèvres est le moment de la danse et de la séduction, qui se finit par la troisième voix qui fait une description allusive de l'acte sexuel, suivant une rythmique répétitive : "Corps corps corps/ Corps contre corps/ Contre contre corps/ Plaisir oh ah/ Plaisir ah oh/ Plaisir ".
- Ciel sous le crâne est l'épilogue. La troisième voix reprend des témoignages de victimes de viol du Commandant, et à un moment semble l'accuser en rappelant ses mots sur la kalache dans le vagin, après qu'il a essayé de se déresponsabiliser. Le dialogue entre les personnages s'achève sur l'étranglement de la Brigadière par le Commandant. La troisième voix informe de la mort du Commandant et de la naissance d'un enfant. Elle se présente sous forme de paroles rapportées, comme des paroles cueillies "dans les rues les maquis les cafés ".

Entre chaque partie, il y a une rupture temporelle, et le dialogue commence toujours in media res. Avec l'absence totale de didascalies, il est difficile d'établir un cadre spatio-temporel pour l'action. Tout effet de réalisme semble être empêché par ces éléments, auxquels s'ajoute le jeu entre les voix des personnages et la troisième voix, ainsi que le dialogue répétitif et rythmique.

 
haut de page
 
 

Pistes de lecture

La transmission de la violence
Le thème principal de l'œuvre est la violence des actions perpétrées par les deux personnages, représentant du pouvoir en place non identifié. Contrairement à une représentation commune de ces épisodes de violence où les militaires peuvent apparaître comme antagonistes d'un ou plusieurs victimes héroïques, les victimaires sont ici isolés comme seuls acteurs de la pièce. L'attention est ainsi portée sur leurs actions et les raisons pour lesquelles ils exercent cette violence sur leurs semblables.
On retrouve d'abord la chaîne de commandement propre à une structure de type militaire, même si aucune indication n'est donnée sur le genre d'organisation à laquelle appartiennent les personnages. Le Commandant Fout-la-Trouille a un nom pouvant correspondre à un militaire comme à un enfant-soldat ou un membre de guérilla. Quant à la Brigadière, elle porte son rang comme nom. Le supérieur très sûr de lui transmet ses certitudes à son subalterne, qui ne les met pas en question. Les quelques hésitations de la Brigadière et son pauvre niveau intellectuel avoué indiquent qu'elle agit plus par obéissance que par conviction.
Le dialogue entre les deux personnages ne laisse percevoir qu'un semblant de logique sans aucune indication spécifique sur le conflit. Ces deux représentants de l'ordre sont plongés dans la violence et l'horreur depuis leur enfance. Si leur traumatisme sert à expliquer une prédisposition au passage à l'acte, leurs attitudes face au crime sont différentes : la Brigadière se sent coupable, le Commandant prend du plaisir à tuer et violer. C'est cette différence qui les départage à la fin de la pièce.


La place de la femme
La question du viol est centrale dans la structure de l'œuvre. Elle instaure la femme comme victime par excellence, puisqu'elle peut être tuée mais aussi violée de la plus atroce manière. Ceci est une réalité du continent africain : on reconnaît aujourd'hui, grâce aux efforts de gens comme le Dr. Denis Mukwege, que le viol est utilisé comme arme de guerre. Le Commandant représente l'attitude de ces hommes qui imposent leur domination symbolique sur leurs rivaux par le viol des femmes. Il se justifie en soutenant que les femmes n'ont pas à se mêler de ces conflits, et qu'il les punit en conséquence.
D'autre part, la Brigadière est en position de subalterne en raison de son rang, mais aussi de son sexe. La scène de danse est d'autant plus inquiétante du fait qu'elle vient à la suite de la mise en question des viols par la Brigadière. Son admiration pour le Commandant se révèle être de l'attirance. Après le spectacle de la mort, le désir prend le dessus puisque c'est elle qui commence la danse de la séduction. Le personnage déclare que son statut de femme "en treillis", de femme combattante, provoque le rejet des hommes. La femme n'est plus considérée comme femme si elle combat. Mais son désir s'avère fatal : pour l'assouvir, elle se replace sous la domination de l'homme et se soumet à la violence qu'il exerce sur elle.


Les failles du langage
L'absence de ponctuation dans les dialogues, à l'exception des points d'interrogation, donne l'impression d'un flot de mots à la dérive. La disposition du texte, et la compréhension subjective que le lecteur se fait des personnages permettent de redonner du sens et un rythme à leurs paroles. C'est ainsi que les mêmes mots se chargent de sens différents quand ils sont repris par l'un ou l'autre des deux personnages.
Le langage utilisé semble se limiter par la répétition des mêmes mots et des mêmes structures de phrases. Il est enfermé dans les logiques faussées du Commandant ou insuffisantes de la Brigadière. En conséquence, le langage s'interdit de dire l'horreur.
C'est la troisième voix, même tronquée, qui amène l'extérieur par les sons venus d'ailleurs et les descriptions du hors-scène. Elle brise l'isolement langagier des personnages. De même, en rapportant les réactions contre les actions du Commandant, elle amène l'issue fatale.

La naissance de l'enfant dans la scène finale symbolise la perpétuation de cette violence. L'indétermination du langage utilisé sert à donner à la situation une dimension universelle, et à permettre son recommencement. La dénonciation de l'auteur se glisse dans la réaction internationale : elle se concentre sur le dépassement de certaines limites. En conséquence, elle valide la violence courante et rend possible sa continuation.

 
haut de page
 
 

De plain-pied dans le texte

Cri
Insulte
Rage
Furie
De plus en plus


Jet de pierre
Projectile
Gourdin
Bruits au-delà du supportable
Situation intenable

COMMANDANT FOUT-LA-TROUILLE : c'est encore eux ?

BRIGADIERE : c'est eux

COMMANDANT FOUT-LA-TROUILLE : eux qui ?

BRIGADIERE : eux que j'ai cramés là tout de suite

COMMANDANT FOUT-LA-TROUILLE : eux que t'as cramés tout de suite ne rejailliront pas des tombes
Si tu les as cramés comme tu dis que tu les as cramés c'est qu'ils sont morts et quand on est mort impossible de se défaire de sa mort pour revenir parmi les vivants

BRIGADIERE : cramés morts pas morts
Cramés pas morts morts
Peut-être qu'ils sont morts
Peut-être qu'ils ne sont pas morts
Peut-être qu'ils sont cramés morts ne veulent pas mourir
Peut-être qu'ils sont morts cramés ne veulent pas mourir

COMMANDANT FOUT-LA-TROUILLE : cramés morts pas morts cramés pas morts morts peut-être qu'ils sont morts peut-être qu'ils ne sont pas morts peut-être qu'ils sont cramés morts ne veulent pas mourir peut-être qu'ils sont morts cramés ne veulent pas mourir ça veut dire quoi ?

BRIGADIERE : ça veut dire ce que ça veut dire Commandant

 
 
haut de page
 
 

Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
La pièce a été créée en 2012 dans une mise en scène de Soulay Thiâ'ngel dans le cadre de la 7e édition des Recrétrales de Ouagadougou.

Bibliographie
On pourra écouter la mise en lecture de Le cadavre dans l'œil par Denis Lavant lors du Festival d'Avignon 2014 (sur www.rfi.fr). L'enregistrement de ce texte, publié conjointement avec Sur la pelouse, permet d'entendre le style de Hakim Bah mis en voix.

Voir également Focus auteur #23 : Hakim Bah sur : https://vimeo.com/152178090

 
haut de page
 
 
       
 

Fiche réalisée par Gaspar Carvajal, Etudiant en Master 2, Paris 3

  > Imprimer