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Fama
Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Sylvie Chalaye, tirée pour partie de Dramaturgies africaines d'aujourd'hui en 10 parcours, coll. "Regards singuliers", Lansman, Carnières, 2001.
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Côte d'Ivoire
1998
Editions Lansman, Carnières, 1998
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Genre
Drame historique
Nombre de personnages
2 femmes
12 hommes
1 enfant
Plus de 15 personnages, dont 2 femmes et un enfant
Longueur
3 actes
59 pages
Temps et lieux
l'Afrique précoloniale, l'Afrique des Indépendances et celle actuelle
Thèmes
Afrique contemporaine face à son histoire (L')
Mots-clés
Colonialisme , colonisation , démocratie , les indépendances , manipulations politiques
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Consultation de la fiche par rubriques |
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Un premier repérage :
la fable
Résumé de la pièce
Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité
de la structure et son fonctionnement général par
rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.
Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique
qui permet de dégager une interprétation et les
véritables enjeux de la pièce
De plain-pied dans le texte
Un extrait
Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture
à sa création en passant par les lectures dont elle
a pu faire l'objet
Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce
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Un premier repérage : La fable
Fama est le héros du premier roman d'Ahmadou Kourouma : Les Soleils des indépendances, publié au Seuil en 1970 et où il raconte les déboires d'un prince Malinké déchu, contraint en dépit de son rang à mendier dans les rues. Koffi Kwahulé a repris ce personnage et lui a inventé une épopée tragique qui lui fasse traverser les trois grandes époques de l'histoire contemporaines du continent africain : la colonisation, les indépendances et l'éveil à la démocratie. Il a puisé également dans Monnè, outrages et défis, le deuxième roman de Kourouma, publié en 1990, qui évoque cette fois la colonisation à travers Djigui, un roi Keita, que le pouvoir colonial amène à collaborer. Abolissant toute logique temporelle et toute référence limitative au territoire Mandingue afin d'atteindre l'universalité du mythe, Koffi Kwahulé a tissé entre elles les histoires des deux romans et imaginé entre les personnages des liens familliaux qui créent une cohérence. C'est ainsi que Fama se retrouve êfre le fils noble et courageux de Djigui.
En dépit du mur momumental que fait édifier Djigui le roi du Dougou, la "Chose" fait irruption dans le Danfa et avance jusqu'à Tigoba la Capitale du Dougou. Le roi Djigui doit faire allégeance à la puissance colonisatrice. Son fils Fama, l'héritier légitime du Dougou résiste au colonisateur et est bientôt contraint à l'exil tandis que son cousin Lacina est mis à sa place sur le trône.
Après les luttes d'indépendance et malgré son engagement, Fama est laissé pour compte et ne parvient pas à s'adapter à l'ordre nouveau. Il épouse Salimata et se retrouve à vivre d'aumônes et du travail de sa femme.
A la mort de son cousin, il reconquiert le trône du Dougou et hérite de ses quatre épouses. Grâce à lui, le Dougou recouvre sa prospérité et sa dignité.
Tandis que sous la poussée d'un élan démocratique, les insurrections se multiplient dans le pays, le pouvoir central décide, pour briser la contestation, de fabriquer de toute pièce un leader d'opposition qui se révèlerait être à la solde de l'étranger. Fama est "choisi", il finit par être arrêté et contraint d'avouer devant les caméras de la télévision que c'est lui qui a fomenté l'agitation. Cet acte de contrition lui vaut la grâce présidentielle, mais Fama se jette dans la mer.
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Parcours dramaturgiques
Une trilogie
La pièce repose sur une structure ternaire très marquée : chacune des parties se veut distincte et autonome au point de s'appeler Livre. Le premier qui s'intitule "Le "continent-qui-n'existe-pas" évoque les temps précoloniaux pétris d'animisme et de tradition musulmane. Koffi Kwahulé y fait entendre le mystère de la langue de Kourouma dont le français parvient à rendre la pensée Mandingue, son rythme, ses métaphores, ses paraboles.
Le deuxième livre reprend le titre du roman : "Les soleils des indépendances" et met en scène la vie urbaine de Fama, ses préoccupations conjugales et matérielles. La langue y devient plus sobre, plus ordinaire.
Le dernier livre, "La sarabande des hyènes" dresse un tableau sombre des manoeuvres politiques dans lesquelles se laisse piéger Fama. Et cette fois, c'est la langue de bois qu'on y reconnaît.
Une dramaturgie antique
Au delà de la trilogie qui n'est pas sans faire penser aux cycles tragiques, tels qu'en produisait le théâtre grec, au delà de l'itinéraire initiatique que parcourt Fama et qui rappelle celui d'un héros comme Oreste ou Ulysse, il y a un procédé dramaturgique qui semble ressortir à la tragédie antique et traverse les trois livres : il s'agit de la figure récurrente du Coryphée et du choeur que l'on retrouve à chaque époque.
Cependant cet ensemble choral qui prend parti et intervient même sur le cours de l'histoire n'est pas ce relais du public que l'on trouve dans la tragédie grecque. Ici le choeur est une force transcendante qui observe et agit, il pourrait représenter l'esprit de l'Afrique, une conscience ancestrale permanente et lointaine enfouie sous les contingences, mais qui affleure aux événements et non sans contradiction parfois.
La terre, la ville et la mer
L'épopée de Fama s'organise autour de trois espaces symboliques. La terre de la première étape est celle des briques de l'édifice babélien de Djigui, ce mur aussi vain que monumental, image de la démesure humaine, mais c'est aussi la terre d'Afrique usurpée par l'envahisseur, la terre mère, la terre ancestrale dont Fama devra s'émanciper, puisque tel est son destin. La deuxième étape de l'itinéraire de Fama est marquée par l'exil et la ville, le labyrinthe urbain où s'accomplit l'errance du héros avant qu'il ne retrouve son chemin. La mer enfin dans laquelle disparaît Fama à la fin de la pièce symbolise l'inconnu, mais aussi la source de vie, et peut-être la fin d'un cycle et l'annonce d'une ère nouvelle pour l'Afrique.
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Pistes de lecture
Une épopée africaine
Fama est un fresque historique qui analyse le marasme de l'Afrique actuelle en remontant le cours du temps. L'Afrique a raté ses grands rendez-vous avec l'histoire, est-ce une fatalité ? Ratera-elle le rendez-vous démocratique ?
La pièce raconte une épopée tragique dont Fadarba tient le rôle du fatum : il est le conquérant qui vient fendre le mur des absolus et déposséder l'Afrique de son destin.
Cette épopée africaine s'accomplit à travers le personnage de Fama qui à la différence du personnage imaginé par Kourouma est un vrai héros de légende, noble et droit, qui incarne l'union résistante de l'Afrique. En revanche, c'est le personnage du Suiveur qui prend en charge cet opportunisme que l'on trouvait dans le Fama des Soleils des indépendances. Le Suiveur, ce personnage qui n'existe pas chez Kourouma, traverse lui aussi comme Fama les trois époques et forme avec lui un couple. A côté de cette conscience nationale qu'est Fama, idéaliste et sans compromis, le Suiveur représente l'ambition personnelle, l'individualisme du collaborateur que l'on retrouve dans toutes les conquêtes.
La dimension mystique
Les trois volets du triptyque historique ont en fait une forte imprégnation mystique et c'est en cela que l'histoire y rejoint le mythe. Le premier livre a une valeur génésique, c'est le livre du mystère des origines, le livre de la parole sainte comme le soulignent les sourates qui ouvrent chaque scène, c'est le testament ancestral. Le deuxième livre est celui du retour à l'humain et aux contingences, le livre du périple et de l'errance. Le troisième livre est sous le signe de la divination, c'est le livre de l'Apocalypse qui annonce le sang qui coulera, le sang du dernier sacrifice avant l'avènement de l'ordre nouveau et l'accession aux démocraties. La mer où disparaît Fama n'est-elle pas celle de tout un peuple qui doit trouver le moyen de la traverser pour atteindre la terre promise ?
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De plain-pied dans le texte
"Toute autorisation de se défendre est donnée
à ceux qui ont été attaqués
parce qu'ils ont été injustement opprimés."
Sourate XXII, 39
Dans le mouvement du tableau précédent.
LE CHOEUR, avec ferveur :
Au feu ! au feu !
Honneur et gloire à Fama Doumbouya,
Père Doumbouya,
Mère Doumbouya,
Authentique et légitime prince du Dougou,
Totem panthère,
Lui-même panthère !
Peuples du Danfa, venez voir !
Fama Doumbouya a enfin lavé l'affront !
Fama Doumbouya a enfin mis
Le feu à la maison de l'homme blanc !
Au feu ! au feu !
Des gens courent dans tous les sens comme lors d'une traque en criant des : "Mort à Fadarba" / "Mort à l'infidèle" / "Mort à l'occupant" / "Mort au Blanc"... Peu à peu la scène se vide et les cris deviennent plus lointains.
Entre alors Fadarba, visiblement en fuite. Il est nu comme s'il avait été brutalement réveillé par l'incendie. Entre à son tour Fama, à sa poursuite. Le choeur coupe la retraite à Fadarba. Fama marche sur lui.
FADARBA, sa voix n'est pas implorante, elle est simplement hébétée d'incrédulité : Se méfier. Toujours se méfier des gens qu'on croit connaître depuis toujours. Mais pourquoi ? Pourquoi, Fama ? Je t'ai pourtant tout donné... Ce pays, nous en aurions fait le paradis. Oh, quel gâchis !
LE CORYPHÃE, tend un couteau à Fama : Egorge-le !
Fama se saisit des cheveux de Fadarba et le contraint à montrer sa gorge au ciel. A ce moment, apparaissent l'enfant et sa mère.
LE CORYPHÃE : Egorge-le !
FADARBA : D'autres viendront. Ce n'est pas un cri de joie que je pousse en disant cela, Fama, c'est un sanglot. D'autres viendront, la tête pleine de fiel et de ronces, le coeur aveugle...
LE CORYPHÃE : Egorge-le !
Fama lâche Fadarba et laisse tomber le couteau pendant que s'élève le 3° mouvement du "Concierto heroico".
FAMA : Allez-vous-en !
Mais Fadarba enfermé dans son hébétude ne bouge pas.
LE CORYPHÃE : C'est toujours la même histoire, Fama. Pourquoi nous a-t-il toujours manqué de savoir haïr et de comprendre que des malédictions des autres pouvait naître notre bonheur ? C'est peut-être la raison pour laquelle nous n'avons jamais pu nous en sortir en dépit de toutes nos révoltes et de tous nos sacrifices. Tu sais ce qu'il te reste à faire ? Parce qu'il dit vrai : d'autres viendront.
FAMA : Dites à mon père que je me suis exilé dans le sud.
LE CORYPHÃE : La prophétie se réalise. Maintenant il n'y a plus de doute, tu es bien le dernier prince Doumbouya. C'est une vérité nette comme une lune pleine dans une nuit d'harmattan. Tu es la dernière goutte du grand fleuve qui se perd et sèche dans le désert. Cela a été dit des siècles avant toi. Les Doumbouya ne finiront pas à Tigoba, et tu vas mourir à l'étranger. Que ta route soit bonne.
Fama sort.
FADARBA : Mais pourquoi a-t-il fait une chose pareille ? Après tout j'ai su me montrer humain. Tout de même, ce pays est aussi le mien désormais, j'ai tout fait pour le prouver ! Alors pourquoi ?
LE CORYPHÃE : Que tu sois bon ou mauvais ne nous importe guère. Tu aimais ce pays dans la mesure où tu en restais le maître. Ceux qui viendront, qu'ils soient huit fois plus cruels ou huit fois plus humains que toi, nous les combattrons et nous les vaincrons. Nous mettrons le temps qu'il faudra, mais nous les vaincrons. Maintenant va-t-en !
FADARBA : Ãa y est ! je me le remets ! Il était avec Samory ! Il était avec Samory lors de la bataille de Doué. Maintenant je me le remets...
LE CORYPHÃE : Va-t-en loin du Dougou, Fadarba !
Fadarba prend son fils et sort en compagnie de sa femme.
LE CHOEUR, éparpillé sur toute la surface du plateau, va psalmodier plusieurs fois les mots qui suivent :
Il nous a toujours manqué
De savoir haïr
Et de comprendre que des malédictions des autres
Pouvait naître notre bonheur.
Obscurité pendant qu'enflent les dernières mesures du 3° mouvement du "Concierto heroico ".
(Livre 1, scène V)
Koffi Kwahulé, Fama, Lansman,1998, pp. 22-24
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Du texte à
la scène
Le spectacle a été créé en France, en septembre 1998, lors du 15e Festival International des Francophonies par la Compagnie Ymako Teatri (Côte dâIvoire). Texte et mise en scène : Koffi Kwahulé ; scénographie et costumes : Claude Goyette ; Musiques : Diakité Satignouma et Ibrahima Koné ; lumières : Daniel Guillemant ; régie : William Brou ; avec Vaber Douhouré, Claude Gnakouri, Luis Marquès, Dji Nesséré, Nathalie Atou Ekaré, Bernadette Oulaï Taha, Allassane Touré, Clémentine Papouet, Mathurin Nahounou, Mouna Nâdiaye , Koffi Kwahulé, Diakité Satigouma, Ibrahima Koné.
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Pour poursuivre le voyage
- CHALAYE Sylvie, "Fama : D'un monde à l'autre", dossier et entretien avec K.Kwahulé et Claude Goyette scénographe, in Afrique en scènes n°10, juin 1998 pp.78-89.
- Id, "Une production théâtrale en Afrique : Fama par le Ymako Téatri", Africultures n°14, janvier 1999, pp.37-43.
- Id, "L'épopée tragique d'un antihéros : Fama de Koffi Kwahulé", Africultures n°12, novembre 1998, pp.74-76.
- SOUBRIER Virginie, "Dionysos africain : étude sur le choeur dans Bintou et Fama de Koffi Kwahulé", in Nouvelles dramaturgies d'Afrique noire francophone, Presse Universitaires de Rennes, 2004, pp. 141-150.
- DELESQUES Frédéric et WHITE Hervé, Ymako Teatri, film documentaire sur les répétitions et la création de Fama à Abidjan puis la tournée jusqu'à Limoges, 52 mn, coproduction La Cinquième, France Europe Media et le Moulin du Daumail, 1998.
- NGANDU NKASHAMA Pius, Kourouma et le mythe : une lecture de "Les soleils des indépendances", Silex, Paris, 1985. |
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Fiche réalisée par Sylvie Chalaye, tirée pour partie de Dramaturgies africaines d'aujourd'hui en 10 parcours, coll. "Regards singuliers", Lansman, Carnières, 2001.
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