LABORATOIRE
DE RECHERCHE

   Présentation SeFeA
   Activités
   Partenaires
   Membres
   Publications
   Projets et appels à communication


REPERTOIRE
CONTEMPORAIN

   par titre
   par auteur
   par pays
   par genre
   par thème
 
  Recherche
 
Recherche rapide
par mots-clés
  Recherche avancée
  Actualité théâtre
Tout le théâtre africain avec Africultures.com agenda, critique, festivals, articles...

  Présentation du site
  Documents et matériaux
  Bibliographie
  Contact

  Accueil
 
 


Fiche pièce
Parenthèse de sang (La)



L'AUTEUR
Labou Tansi Sony



Evénements à suivre
L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Parenthèse de sang (La)
Labou Tansi Sony

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Edwige Gbouablé


  République du Congo
1981
Hatier International, coll. "Monde noire". 1981, réed. 2002
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
5 femmes
19 hommes


Longueur
4 tableaux
65 pages


Temps et lieux
4 soirs et 1 matin dans la villa des Libertashio

Thèmes
les violences de la dictature politique , Absurdité de l’existence (L')

Mots-clés
dictature , mort , politique , Pouvoir , violence
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
haut de page
 
 

Un premier repérage : La fable

La Parenthèse de sang met en scène le règne d'un régime démoniaque et sanguinaire. Les exécuteurs, en effet, du gouvernement dictatorial sont à la recherche de Libertashio dont ils refusent d'admettre la mort pourtant évidente. La famille du rebelle est de fait interrogée, séquestrée puis exécutée par les soldats qui paradoxalement n'hésitent pas à s'entretuer. La fable progresse ainsi au fil des meurtres perpétrés sans aucune logique apparente. Comme l'indique le titre, La parenthèse de sang, la pièce s'ouvre sur la violence de soldats surexcités et se referme par une fusillade sans précédent. Mêlant le burlesque au tragique, la farce au drame, la trame sonyenne met perpétuellement en conflit les dimensions bestiale et humaine de l'Homme. Parenthèse de sang, cercle de vices, espace immonde et d'immondices, telles sont les images reflétant notre univers où "la moyenne de vie devient celle d'une chance sur mille " (p.63).
Cette atmosphère de fin du monde vécue dans La parenthèse de sang laisse cependant entrevoir une note d'espoir à travers le personnage du docteur seul rescapé de la tuerie à la fin de la pièce. La peinture de la cruauté et de la mocheté appelle ici l'éclosion d'une vie meilleure.

 
haut de page
 
 

Parcours dramaturgiques

Un découpage temporel du drame

La parenthèse de sang interpelle fortement par son architecture montée à partir d'indications temporelles (1er soir, 2ème soir, 3ème soir, 4ème soir et 1er matin) contribuant à fixer l'action et les personnages dans un moment bien déterminé. Cette précision et insistance temporelle, accentuée par les trois prologues permet de repartir la fable en trois étapes cruciales : l'exposition du conflit avec le premier soir annonciateur d'un jeu de carnage, le nœud de l'action au troisième soir et le dénouement du drame au premier matin. Le jeu nocturne macabre déroulé par les quatre soirs prend fin, en effet, au lever du jour. Il y a dans cette structure comme un étirement, voire un écartèlement du temps à travers le retardement du premier matin qui chronologiquement devrait succéder au premier soir. Cette espèce de détour semble contribuer à la mise en évidence de la tuerie qui a clos le "le match de foot-bas" et estomper le long moment de doute et d'interrogation des condamnés, au quatrième soir, sur leur réelle existence. C'est une fin tragique aux couleurs de l'apocalypse dans " cette ville où ils n'ont pas laissé Pierre sur Paul".

L'espace-temps

L'espace et le temps chez Sony sont chaotiques. La maison de Libertashio, lieu principal de l'action, dégage une atmosphère de fin du monde. L'exécution anarchique et déraisonnée des personnages, l'angoisse des victimes, la brutalité des mots créent une logique d'horreur, faisant ainsi de l'espace, un enfer sur terre où tout est doute, incertitude et brouillard. L'imbrication de la vie et de la mort sur scène brouille aussi bien l'espace que le temps. Tantôt les personnages se sentent morts ou à moitié morts, tantôt ils se sentent vivants. L'interrogation de Aleyo " est-on vraiment mort ?" déroute le lecteur spectateur face à un espace-temps remis en question. Les personnages vacillent entre le surnaturel et le réel, le futur et le présent à travers la superposition de deux mondes : l'ici et l'au-delà.

Clin d'œil sur quatre personnages

Le fou, présenté comme le gardien de la tombe de Libertashio, débite tout au long de la pièce, un récit indéchiffrable. C'est pourtant cette parole incompréhensible, dénuée de sens qui fait le plus d'échos dans cet espace de violence où tout propos émancipateur est interdit et voué à la mort. "La prestance" du fou à qui l'on ne défend quasiment pas de parler, est le symbole d'un monde renversé au sein duquel la déraison est raison et l'illogisme, la logique. Mais au-delà de la folie, se dresse le sens des choses que le fou tente de révéler sans pour autant donner la possibilité d'interprétation.
Madame PORTES, femme aux mœurs légères, incarne par son dévergondage et ses nombreux adultères, la perversité de la société que tente de représenter Sony. La sexualité, loin d'être une banalité dans La parenthèse de sang, donne à voir les vices mais aussi la putréfaction du monde où les valeurs morales n'ont plus leur place.
Le curé : représentant de l'ordre religieux, le curé perd son statut d'homme de Dieu dans La parenthèse de sang. Venu pour confesser les victimes, il est lui-même confessé par un soldat qui n'hésite pas à le traiter comme un condamné. La déchéance de ce personnage, noble autorité dans le monde réel, est la transcription d'un univers sans repère dans lequel le sacré n'est qu'illusion, leurre.
Le Docteur : est le rescapé des victimes exterminées par les bourreaux du gouvernement. Sa survie peut être saisie comme une note d'espoir, l'espérance à laquelle aspire le dramaturge. Dans l'écriture de la douleur et de la violence, émerge la vie, une possibilité de changement et d'amélioration de cette existence scandaleuse et perverse.
Ces quatre personnages, en dehors de leur portée sémantique, qui du reste donne au texte une force symbolique, s'inscrivent comme les autres, dans la mouvance d'un espace et d'un temps de terreur consistant à donner en permanence la mort. Les condamnés sont comme projetés dans un courroie soumis au temps de l'attente ; celle de la mort.

 
haut de page
 
 

Pistes de lecture

La parenthèse de sang et l'écriture du surnaturel

L'écriture du surnaturel dans le théâtre de Sony est liée au traitement du phénomène de la mort. Sa conception par le dramaturge congolais surpasse l'entendement humain pour s'inscrire dans une philosophie que l'auteur tient de ses racines africaines. La mort est-elle une finitude ? ou la vie se termine t-elle par la mort ? sommes-nous tentés de nous interroger devant l'interpénétration de deux univers logiquement opposés. La vie et la mort, en effet, sont similaires dans la pièce de Sony ; car la vie de souffrance et de torture des personnages ne diffère pas d'une mort en enfer. Son théâtre s'aventure aux frontières de la mort et explore de fait un monde inconnu aussi bien de la conscience humaine que de la dramaturgie même. Il perce "le mur de la mort" en permettant aux défunts de réapparaître et aux vivants de sombrer dans une irréalité, une espèce d'entre-deux qui leur fait perdre le sentiment d'exister. La présence du surnaturel dans l'écriture de Sony dérègle pour ainsi dire la logique humaine de même qu'elle repousse les limites du théâtre finissant habituellement avec la mort des personnages.

L'absurdité de la mort

La mort dans La parenthèse de sang ne s'inscrit pas dans un mécanisme de cause à effet. Elle est donnée à tout vent, sans logique apparente. Mourir pour sa parenté avec un défunt ou encore pour avoir admis sa mort est un non sens. La suppression de la vie chez Sony est un acte gratuit relevant du barbarisme gouvernemental. La mort, ici, est d'autant plus futile qu'elle s'inscrit dans un univers politique où la disparition du héros constitue en règle générale une source d'espoir, une raison de vivre. Celle de Libertashio par contre, crée une spirale sans fin de meurtres dont l'inutilité rend compte de l'absurdité même de la vie. Laquelle absurdité appelle le chaos, le vide et le néant, mots clés de l'œuvre sonyenne.

Le néant politique

Ce qui ressort de la peinture des hommes politiques chez Sony, c'est d'abord l'exercice d'un pouvoir absent dont il est difficile de repérer les normes. La politique est organisée autour de quelque chose d'innommable qui fonctionne au gré des humeurs, du hasard, loin des lois et de la logique. Tout se passe dans La parenthèse de sang comme si la pratique du politique ne commande rien d'autre que la mort, la peur. Le pouvoir finalement est un vide vagissant, laissant quartier libre à toute sorte de démence. Viol, exécution, torture sont les seuls visages de la politique. C'est uniquement sous ces formes barbares qu'elle apparaît, faisant ainsi de l'univers Sonyen, un espace anté-politique régis par le bon vouloir et les bas instincts des guides providentiels. "L'absence de l'absence" tel peut être qualifier l'écriture politique chez Sony.


Un double engagement

L'écriture du dramaturge congolais se laisse appréhender comme une quête au double plan politique et esthétique. Comme toute œuvre de dénonciation, La parenthèse de sang vise à la réhabilitation des masses opprimées à travers la mise en scène de la violence politique. Mais au delà de l'écriture de la brutalité, un combat fortement esthétique dont l'objet est d'élaborer des formes pouvant rentrer en contact violent avec le monde scandaleux et absurde dans lequel nous vivons. Manifestement Sony n'envisage pas de relation pacifique entre leurs œuvres et le contexte d'émergences des mots. Au contraire il cherche une écriture adéquate pour faire face à l'effroi que communique l'univers. A la violence sociale s'oppose une violence suscitée par la cruauté et la vulgarité de l'écriture. Brouiller l'espace-temps, piétiner le modèle classique, démonter le tissu linguistique, comme le fait Sony, c'est lutter entre autre contre le statisme de la production littéraire dû à l'univocité de la pensée politico-cuturelle. Il y a ici, comme un besoin de retour en soi pour y pêcher de nouveaux champs dramatiques avec des procédés et des règles artistiques non réglementaires qui témoignent de l'autonomisation de l'artiste. Sony ne rentre donc pas dans un registre linguistique tout constitué. Il refait la langue non pas en recourrant nécessairement aux pratiques traditionnelles, mais en inventant des combinaisons lexicales et syntaxiques contre nature. C'est dans ces liaisons anarchiques où les mots se heurtent avec violence que résident toute la signification de son écriture dramatique.

 
haut de page
 
 

De plain-pied dans le texte

ALEYO.- Elle se touche le cœur- Je ne vois pas, ils ont du tirer très fin.
LE DOCTEUR.- Taisez-vous. Nous ne sommes pas morts.
RAMANA.-Nous sommes morts. Moi je suis morte.
Mme PORTES.- Kakara moshé méyané.
RAMANA.- Je comprends : elle dit qu'on est mort à l'aube.
ALEYO.- Mon cœur bat.
RAMANA.- C'est le cœur du vide : il bat dans ta mémoire de mort. (un temps) Tu n'as jamais dépecé un poulet ? Le cœur du poulet bat dans la marmite. (silence)
ALEYO.- J'ai froid.
RAMANA.-C'est le froid du vide
ALEYO.- Après un long silence- J'ai compté jusqu'à vingt.
RAMANA.- C'est les nombres du vide.
ALEYO.- J'ai peur comme avant.
RAMANA.- C'est l'autre peur : on est mort.
Mme PORTES.- Aganamanta moshéyi moni.
RAMANA.- Elle dit que la mort ne fait pas mal.
ALEYO.- Moi je ne crois pas que nous soyons morts.

Sony Labou Tansi, La Parenthèse de sang, Hatier International, Paris, p.53

 
haut de page
 
  Du texte à la scène…

En 1985 à l’Espace Kiron, le togolais Sanvi Panou et le Théâtre Témoin ont monté La parenthèse de sang ( avec notamment le soutien de Radio France Internationale et des Editions Hatier)

 
haut de page
 
 

Pour poursuivre le voyage


- Valy SIDIBE "La dramaturgie de Sony" in Collectif, Sony témoin de son temps, Limoges, Presse Universitaire de Limoges, 2003.
- Blédé LOGBO, "Jeu pour quel enjeu", in Collectif, Sony témoin de son temps, Limoges, Presse Universitaire de Limoges, 2003.
- Bernard MAGNIER, "Sony Labou Tansi : un chouette petit théâtre bien osé", in Afrique noire : écritures contemporaines d'expression française, Théâtre/Public, n° 158, mars-avril 2001.
- "Sony entres morts et vivants" in KOUNZILAT Alain et MALANDA Ange Alain, Colloque Sony Labou Tansi et Sylvain Bemba, Corbeil-Essones, Ed. ICES, 1996.
- Abel KOUVOUAMA, "Sony Labou Tansi ou l'utopie pratiquée" in Collectif, Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens, Paris, L'Harmattan, 1997.

 
haut de page
 
 
       
 

Fiche réalisée par Edwige Gbouablé

  > Imprimer