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Fiche pièce
Big Shoot



L'AUTEUR
Kwahulé Koffi



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L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Big Shoot
Kwahulé Koffi

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Dominique Traoré


  Côte d'Ivoire
2000
Editions Théâtrales, Paris
 
Genre
Comédie dramatique

Nombre de personnages
2 hommes
Traduction allemande de Bettina Arlt Traduction italienne de Gianni Poli Traduction anglo-américaine de Chantal Bilodeau Traduction néerlandaise d'Eveline Van Hemert.

Longueur
46 pages


Temps et lieux
un temps-mémoire fractionné et une cage de verre

Thèmes
mort comme objet de consommation médiatique (La) , Dialectique du maître et de l’esclave

Mots-clés
consumérisme , crime , jeu télévisé , médias , meurtre , mort , serial killer , sexualité , société de consommation , spectacle , télé-réalité , voyeurisme
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Un vrai faux face à face oppose deux êtres aussi énigmatiques l'un que l'autre : Monsieur et Stan. A travers un conflit absurde qui s'engage entre eux, Monsieur s'érige en maître d'un Stan sans "épaisseur", perdu dans l'ombre de son vis-à-vis devenu pour lui un véritable bourreau. Dans l'enceinte de cet antagonisme imaginaire, prend place un réseau de bouts d'histoires sans fil conducteur, formant ce "big shoot" que constitue la violence implacable et gratuite qui les caractérisent. Tout se joue dans un espace où les menaces criminelles et les crimes sont quasi permanents et où, au moyen d'un délire verbal, Monsieur s'emploie à satisfaire les attentes d'une société voyeuse à laquelle il livre volontiers ses délires de détraqué non sans passer par la transparence de sa créature Stan. Tour à tour, les enfants sont perçus comme "une vraie saloperie ", une femme est " palpée" dans son intimité par " la langue du regard". Une autre, et peut-être la même, est violée et son sexe marqué au fer rouge. Même morte, son cadavre continue de subir des sévices sexuelles. Tous ces morceaux de récits semblent êtres le résultat des errements schizophréniques de Monsieur.

 
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Parcours dramaturgiques

Une écriture en rupture
Cette pièce rompt en visière avec les conventions traditionnelles de l'écriture dramatique. Sur le plan architectural, elle constitue aussi un "Big Shoot" que pourrait prendre en pleine figure un lecteur-spectateur non averti. En effet, du point de vue de la structure externe, l'œuvre paraît innovante. Elle n'est organisée ni en actes, ni en tableaux, ni en scènes. Elle présente un bloc compact, une espèce de corps hybride qui semble donner à chaque lecteur la possibilité de l'organiser. C'est donc un ensemble constitué de didascalies, de récits et d'adresses entre un "je" racontant et un "tu". L'enchevêtrement des répliques semble inextricable en raison de la suppression des tirets et des noms des énonciateurs si caractéristiques du texte dramatique classique. Big Shoot peut toutefois être structurée en séquences :

- pp. 9-13 : Monsieur contre Stan ou le rapport dominant/dominé
Monsieur et Stan dans cette séquence donne l'impression d'être en conflit ouvert. Il s'ensuit un rapport de maître à esclave. Monsieur s'érige en bourreau tandis que Stan figure la victime, mais il est une victime particulière, c'est-à-dire une victime non innocente. Il donne même le sentiment de se satisfaire d'un tel statut. Il suffit de se référer à la série d'interrogatoires poussées à son paroxysme à laquelle se soumet volontiers Stan pour s'en convaincre.

- pp.13-28/37-42 : sur les traces de deux êtres marginaux
Ces parties du texte lèvent le voile sur quelques traits de Monsieur et de Stan. Ce sont des êtres asociaux ayant leur monde à eux ; un monde où les enfants ne semblent pas les bienvenus, un monde où la femme est chosifiée, un monde où la cruauté de l'être se mesure à la "dureté de ses couilles".

- pp.28-36 : Le rituel du viol
Monsieur et Stan forment une paire de meurtriers doublés de violeurs. Ils prennent plaisir à raconter l'histoire du viol dont aurait été victime une femme désignée par le pronom de la troisième personne "elle". Cette femme a été violée et son sexe marqué au fer rouge. Même morte, son agresseur n'a pas cessé de la posséder. Une histoire de détraqué à laquelle semble réceptif un public voyeur auquel il est fait allusion.

- pp. 42-46 : Le contrat de mensonge
La fin de la pièce montre la place du mensonge dans l'histoire ou dans les bouts d'histoires racontés. Peut-être que ces récits ne sont qu'"un poisson d'avril".


Une dramaturgie du mensonge
Finalement, cette structure externe de Big Shoot met en relief une "dramaturgie du mensonge" où tout n'est que doute et questionnement.
L'architecture interne de la pièce est à l'image de la structure immanente. Elle est tout aussi originale. On a affaire à des personnages qu'on identifie à peine. L'un est désigné sous le nom générique de Monsieur tandis que l'autre se laisse appeler Stan sans trop savoir si ce nom est vraiment le sien. Le semblant de conflit verbal qui les oppose a lieu à partir d'un espace-temps quasiment verrouillé. Tout se joue dans une "cage de verre", un cadre extrêmement restreint, voire liberticide. Dans ce "cocon", le temps relève de la mémoire du sujet parlant, un temps-mémoire qui "bégaie" affectant le récit qui, du fait des "trous" ou des "vides" dont il est marqué, fait de l'exercice de lecture, une véritable aventure.

 
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Pistes de lecture

Un faux dialogue
Big Shoot pourrait se lire comme un monologue non pas au sens classique du terme. Ce n'est pas cette parole "étrangement solitaire [qui] marque un arrêt dans la chaîne dialectique de l'action dialoguée qu'il prépare, commente ou résume". C'est plutôt une parole qui semble impliquer l'autre c'est-à-dire une parole qui emprunte au dialogue l'un de ses principes fondateurs : l'adresse. Cela signifie que cette parole implique la présence d'un potentiel interlocuteur et n'est pas une simple reproduction de l'intérieur du sujet monologuant. Dans cette hypothèse, Stan fait lui-même partie intégrante de l'histoire qui se joue et qui est racontée par un narrateur en l'occurrence Monsieur. Si on ne peut nier l'emploi fréquent du "je" et du "tu", on ne peut non plus ignorer l'utilisation du style indirect qui, assez régulièrement brouille les pistes quand Stan semble prendre la parole. Dès lors, on se demande si c'est lui qui parle ou si c'est le narrateur qui met en scène un discours qu'il attribue à sa créature Stan. L'un des enjeux majeurs de cette pièce serait qu'elle témoigne de l'originalité de cette nouvelle génération de dramaturges africains à laquelle appartient Koffi Kwahulé et qui osent bousculer quelquefois violemment les lois de l'écriture théâtrale. En l'espèce, le dramaturge ivoirien produit une forme assez originale, qui se joue du discours direct. Nous sommes au théâtre et pourtant l'agencement des répliques ne véhicule pas l'image d'un discours fidèle c'est-à-dire non transposé et soucieux de rendre la matérialité de la parole.

Stan dit
Je ne sais pas si
c'est comme les bonnes femmes
mais le fait est que je tricote.

Et c'est tout ce que tu as comme hobby dans la vie ?

Oui.

Dans cet exemple, les supposés propos de Stan sont rapportés. Par qui ? Certainement pas par Stan lui-même car au théâtre, lorsqu'un personnage existe en tant qu'énonciateur, il prend directement la parole. On s'aperçoit que le fragment de texte sélectionné traduit plutôt un genre hybride, peut-être mixte, qui emprunte à la fois au discours direct et indirect, des marqueurs qui leur sont spécifiques. Ces formes qui s'entremêlent apparaissent comme des moyens permettant au narrateur "je" de rapporter des énoncés en quête de destinateur. Ces énoncés que l'on attribue de façon circonstancielle à Stan ne servent qu'à créer des échanges fictifs c'est-à-dire des échange qui n'existent pas vraiment.

Une parole du doute
De ce qui précède, il ressort que l'œuvre se donne à voir comme un long monologue du "je", rendu possible par le dramaturge qui brouille les pistes en interposant entre le lecteur-spectateur et le narrateur un personnage transparent dont la présence rend complexe le système énonciatif. C'est ainsi que se met en place cette parole du doute par laquelle suspicions, inquisitions, et tortures psychologiques concourent à rendre ambigu l'histoire racontée de même que les personnages, l'action et l'espace-temps. Aussi, au-delà de la dialectique du maître et de l'esclave qui apparaît en toile de fond au sein de l'œuvre, se dessine-t-il par le "délire" du sujet racontant, une société en pleine inversion où tout fonctionne de travers et où l'anormal s'érige en règle.

 
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De plain-pied dans le texte

(…)
Pourtant Stan était monté pour ça.
Mais tout à coup
j'ai eu envie qu'elle
cesse de sourire
j'ai eu envie qu'elle
croise ses mains sur ses seins
j'ai eu envie qu'elle
joigne les cuisses
j'ai eu envie d'autre chose
soudain
je ne sais pas pourquoi

Go on Stan, go on ! Nous y sommes...presque…Relax Stan, relax et lance-toi ! Il y avait une barre de fer dans le feu…

Une barre de fer
Un pique-feu oui un pique-feu
oublié
oublié dans la cheminée et qui
dans la fièvre des flammes
était devenu rouge.

Tu as retiré le tisonnier du feu…

Oui Monsieur

Pour faire taire la supplique de son sexe…

Oui Monsieur.

Tu l'as enfoncé dans les cuisses ouvertes…

Oui Monsieur.

Enfoncé.

Oui Monsieur.

Enfoncé.

Oui Monsieur.

Enfoncé.

Oui Monsieur.
(pp. 34-35)

 
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  Du texte à la scène…

La pièce a été écrite en résidence d’écriture (La chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon).

 
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Pour poursuivre le voyage


- Gilles Mouëllic, entretien avec Koffi Kwahulé, le 6 Octobre 2000 pour Jazz Magazine.(in Théâtre/Public, n°158 "Afrique noire : écritures contemporaines d'expression française" pp. 57-59).
- Rita Freda, Un kaléïdoscope de la violence : "Big shoot" de Koffi Kwahulé, in Nouvelles dramaturgies d'Afrique noire francophone, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2004, pp.103-121.

 
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Fiche réalisée par Dominique Traoré

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