LABORATOIRE
DE RECHERCHE

   Présentation SeFeA
   Activités
   Partenaires
   Membres
   Publications
   Projets et appels à communication


REPERTOIRE
CONTEMPORAIN

   par titre
   par auteur
   par pays
   par genre
   par thème
 
  Recherche
 
Recherche rapide
par mots-clés
  Recherche avancée
  Actualité théâtre
Tout le théâtre africain avec Africultures.com agenda, critique, festivals, articles...

  Présentation du site
  Documents et matériaux
  Bibliographie
  Contact

  Accueil
 
 


Fiche pièce
Travaux d'Ariane (Les)



L'AUTEUR
Makhélé Caya



Evénements à suivre
L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Travaux d'Ariane (Les)
Makhélé Caya

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Sylvie Chalaye, tirée pour partie de Dramaturgies africaines d'aujourd'hui en 10 parcours, coll. "Regards singuliers", Lansman, Carnières, 2001.


  République du Congo
1995
Les Inédits 94 de RFI-ACCT, éditions Sépia, Paris, 1995
 
Genre
Monologue

Nombre de personnages
1 femme


Longueur


Temps et lieux
un appartement

Thèmes
Condition féminine , vengeance

Mots-clés
albinos , amour , cauchemar , désir , émancipation , femme , infanticide , meurtre , rêve , sexualité
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
haut de page
 
 

Un premier repérage : La fable

Jeune femme d'une trentaine d'années. Elle rentre des courses avec deux paniers chargés de provisions et s'ouvre une bouteille de champagne. Elle est célibataire aujourd'hui, mais a vécu autrefois avec un homme, Démokoussé. Ils ont eu un enfant. Orisha. Une fillette albinos. Profitant d'un moment d'absence de la jeune femme, Démokoussé a étouffé le petit être monstrueux à ses yeux. Voilà un an qu'Orisha est morte. Mais à son tour, la jeune femme vient d'étouffer Démokoussé en s'asseyant sur sa bouche alors qu'il était ivre mort.

 
haut de page
 
 

Parcours dramaturgiques

Un monologue

"Ne rien manger, ne rien écouter ni regarder. Peut-être observer au fond de moi." (p.34)

La nouvelle est construite comme un monologue avec des parties didascaliques, à la troisième personne, et qui ont une valeur clairement descriptive. Ces passages qui se font de plus en plus brefs, fonctionnent comme des indications scéniques, décrivant les actions de la jeune femme : "Elle attrape un sachet bleu, regarde à l'intérieur. Y plonge son nez en reniflant bruyamment." (p.16) ou encore "Elle sort d'un panier une botte de salade toute fripée. L'effeuille lentement en chantonnant." (p.16). Ces parties didascaliques alternent avec des passages à la première personne, où l'indice personnel est celui de la jeune femme. Tout se passe comme si nous partagions un discours intérieur, comme si nous entrions dans sa conscience.
Cependant, à la différence du texte théâtral dont l'énonciation s'appuie sur une adresse, aucun destinataire n'est inscrit dans le discours. Au lieu d'avancer comme une confidence, ou comme un aveu, la parole semble répondre au contraire à une construction identitaire.
C'est ainsi que la jeune femme raconte ses rêves : celui d'un homme qui part à la chasse aux escargots, celui d'une femme qui poignarde un évêque ; elle raconte ses fantasmes : celui du grand fauve noir aux griffes acérés tapi sous son lit, ou celui de la pieuvre Sida qui l'aurait punie et délivrée à la fois ; et tente de définir surtout ce qu'elle n'aime pas : "Je n'aime pas l'huile de palme", "je n'aime pas les énormes seins de femmes", "Je ne peux digérer les mecs radins", "je déteste l'odeur des vieilles personnes", "Je n'aime pas la télévision", "Je déteste le mythe de la cuisine équipée", "Je déteste vivre avec un homme", "Je déteste les papillons de nuit, "je déteste les toilettes à la turque", etc.

Une descente aux enfers

En dressant l'inventaire de tout ce qui lui procure du dégoût, elle tente en somme de circonscrire par défaut ce à quoi elle tient le plus au monde et qui n'est plus : la vie qu'elle a donnée. Le discours procède comme une montée nauséeuse qui conduirait au vomissement. C'est pourquoi les odeurs qui lui soulèvent le coeur y sont si obsédantes : l'huile palme, la moutarde, la sueur, les vieux, les hopitaux, etc.
L'accumulation de dégoûts donne tout son sens au meurtre qu'elle a commis. Comme si elle reconstituait autour de Démokoussé la coque de répulsion qui l'a conduite à éliminer cet homme, tel un cafard qu'on écrase. Et écraser Démokoussé comme un cafard était un rêve qui préfigure finalement le meurtre.

 
haut de page
 
 

Pistes de lecture

Travaux d'émancipation

Les deux meurtres, qui ouvrent et ferment la nouvelle, celui d'Orisha par Démokoussé et celui de Démokoussé par la jeune femme, se répondent au plan symbolique et donnent du sens au monologue. "Peut-être observer au fond de moi" (p. 14) dit le personnage pour amorcer un discours qui est une reconstruction de soi, une reconquête d'identité, celle d'une femme aliénée par le pouvoir mâle, celle d'une femme dont l'existence même a été niée par le meurtre de son bébé. En sacrifiant l'enfant, Démokoussé a bafoué catégoriquement son statut d'individu qui a des sentiments, d'être humain qui aime ou qui n'aime pas.
Le monologue est une tentative de se reconstruire, de retrouver sa personnalité, de remettre à neuf sa place de femme dans la société humaine, comme elle repeint à neuf la chaise. Aussi le geste par lequel elle tue Démokoussé n'est-il pas anodin. Elle s'assoit sur sa bouche, s'assoit en somme sur son autorité, mais elle renverse aussi le rapport de force sexuel en mettant son sexe dans l'orifice buccale de l'homme et en urinant au lieu d'éjaculer, renversement symbolique et fatal. La nouvelle se ferme alors en boucle, le jet d'urine répondant au ruissellement du champagne et aux petits jets éruptifs de la bouteille renversée qui ouvraient le récit. Et ce jaillissement devient celui même du texte, celui de cette parole libératoire et dionysiaque par excellence.


Un sexe qui parle

"J'aurais voulu avoir un sexe qui parle." (p.16)

L'Ariane qui a décidé d'observer au fond d'elle-même et qui inaugure cette exploration en ouvrant une bouteille de champagne, n'est plus l'Ariane aimante, docile et résignée de Thésée, c'est l'Ariane de Dionysos, Dieu du vin et des pulsions profondes, Dieu de la germination et de la vie. Ariane laisse son sexe s'exprimer, cette bouche de plaisir et de vie autrefois muselée et dominée par l'homme, prend la parole et se libère. D'où la très grande sensualité du texte, une sensualité alimentaire, où se mélangent nourriture et sexualité, où le sexe se fait bouche.
On constate ainsi une véritable érotisation alimentaire qui va de la bouteille de champagne aux petits jets éruptifs qu'elle sert sur sa poitrine, à "l'huile de palme trop grasse" qu'elle associe aux "petits sexes d'hommes, mous" (p.16), à la papaye qu'elle caresse et d'où nait "l'image des énormes seins de femmes qui pendent hors des soutiens-gorge" (p. 17), en passant par "l'amant-moutarde" (p.21), ou le démon prompt à "ventouser le sexe comme une glace, dégoulinante de sucre que la langue gourmande d'un enfant affamé happerait avec ferveur". (p.19)
C'est le ventre, siège de la peur et de l'écoeurement, qui impose ici sa voix, le ventre autrefois apaisé par la chaleur de la main du grand-père (p.20), le ventre qui a porté pendant neuf mois Orisha (p.14), le ventre devenu cet "abdomen contracté par le dégoût" (p.28).

 
 
haut de page
 
  Du texte à la scène…

Une première adaptation scénique de ce texte a été présentée en 1999, lors du 16e Festival International des Francophonies par Le Fadjirilolo Théâtre. Mise en scène de Gérard Navas assisté de Albert Bilgho ; avec Anne-Marie Bere et Albert Bilgho.

 
haut de page
 
 

Pour poursuivre le voyage


- CHALAYE Sylvie, "J'aurais voulu avoir un sexe qui parle", à propos de la mise en scène de Gérard Navas, in Africultures, n°22, novembre 1999, pp 87-88.
- Idem, entretien avec Caya Makhélé, in Théâtre/Public, n°158, mars-avril, 2001.

 
haut de page
 
 
       
 

Fiche réalisée par Sylvie Chalaye, tirée pour partie de Dramaturgies africaines d'aujourd'hui en 10 parcours, coll. "Regards singuliers", Lansman, Carnières, 2001.

  > Imprimer