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Fiche pièce
Couronne aux enchères (La)



L'AUTEUR
Aby (d') François Amon



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Couronne aux enchères (La)
Aby (d') François Amon

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Koffi Kwahulé


  Côte d'Ivoire
1956
Le Théâtre populaire en République de Côte d'Ivoire, Cercle culturel et folklorique de Côte d'Ivoire, Abidjan, 1965
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
13 personnages

Longueur
3 actes
13 pages


Temps et lieux
Première moitié du XXe siècle, en Afrique de l'Ouest.

Thèmes
Démocratie et traditions

Mots-clés
démocratie , Pouvoir , tribalisme , xénophobie
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

A la mort de N'Da Kouamé, roi du Massa, les Sages choisissent pour sa succession Mian Aoussi. Cette désignation ne fait cependant pas l'unanimité : Kouamé Badou, Alla Massa et Seydou Koné se rendent chez le Commandant afin de faire valoir à ses yeux leurs droits à la succession de N'Da Kouamé ; à en croire Kouamé Badou, il est le frère du roi défunt alors que Mian Aoussi n'en est que le neveu. Faux ! rétorque N'Doli N'Zalassé, l'un des Sages, les grands-parents de Kouamé Badou n'étaient que des captifs auprès de N'Da Kouamé. Alla Massa justifie lui ses prétentions par le fait que ses aïeux auraient été les premiers à monter sur le trône. N'Doli N'Zalassé lui rappelle alors que les cordes qui ont servi à ligoter sa grand-mère comme captive sont encore intactes dans la Maison des Chaises. Quant à Seydou Koné, bien que Soudanais (le Mali aujourd'hui), il situe ses prétentions au trône Massa, au niveau de ses trente ans passés dans le royaume. Prétentions que N'Doli N'Zalassé conteste en lui rappelant qu'un tronc d'arbre qui séjourne cent ans dans l'eau ne devient pas pour autant un crocodile. Finalement le Commandant, décide -à la grande joie des trois "opposants"- de procéder à des élections supervisées par le pouvoir colonial.
Pour multiplier leurs chances de succès, les trois opposants s'unissent et "achètent" pratiquement tous les électeurs. Le vote a lieu et Kouamé Badou est élu roi.
Dégoûté de ce monde où le trône va au plus offrant, Mian Aoussi se suicide.

 
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Parcours dramaturgiques

La Couronne aux enchères, dans le cadre du Théâtre Populaire, est un document. Il permet ne serait-ce que sur le plan structurel de se faire une idée du théâtre qui se pratiquait à Ponty.
Dès la première didascalie, nous savons que nous entrons dans le monde du détail, du réalisme : "La scène se passe en plein-air jour, dans une case au centre d'un gros village". On notera que ce foisonnement de détails finit par rendre cette didascalie relativement incohérente. La scène ne peut se passer à la fois en "plein-air jour" et "dans une case" dont l'intérieur doit montrer qu'elle est bien "au centre" d'un "gros village". Mais retenons simplement que la scène se passe dans une case. A ce souci du détail au niveau de l'espace s'ajoute celui du temps : "(la scène se passe vers 8 heures)". En fait, ces quelques détails préparent et s'intègrent au caractère manifestement ethnographique de l'oeuvre. La Couronne aux enchères, en dehors même de toute considération dramaturgique, peut en effet être étudiée comme un document d'intérêt ethnographique. Le Tableau 2 de l'Acte I où Mian Aoussi est sacré roi, est dans cette optique, purement ethnographique ; dans le théâtre de cette période il n'y a presque jamais de "scène gratuite" ; toute nouvelle scène doit apporter un élément qui fasse avancer le récit toujours linéaire. Or si l'on retranche ce tableau 2, la cohérence du récit n'en est pas altérée, car, et c'est l'exception qui confirme la règle, ce tableau est apparemment gratuit ; le Tableau 1 de l'Acte I ne se contente pas de désigner Mian Aoussi comme roi, il nous apprend qu'il succède "naturellement" à N'Da Kouamé, et que plus qu'en "plein-air jour, dans une case au centre d'un gros village", cette désignation se passe sous la haute vigilance du pouvoir colonial (même absent). En plus de son intérêt dramaturgique, le Tableau 1 nous donne quelques éléments sur la procédure de désignation d'un roi en pays Massa. Faisons abstraction du Tableau 2 et passons directement au Tableau 1 de l'Acte II. Ce Tableau révoque Mian Aoussi qui vient d'être intronisé au Tableau 2 de l'Acte I. Malgré une certaine auto-censure qui pousse d'Aby à brosser un portrait flatteur du Commandant, la contiguïté des tableaux du sacre et la révocation dit la brutalité, l'inconstitutionnalité de la destitution de Mian Aoussi. C'est ici que l'on saisit, au-delà de son importance ethnographique, la force dramaturgique du l'Acte I qui ne peut se comprendre que par opposition au Tableau 1 de l'Acte II. Par sa lourdeur de cérémonie rituelle, l'Acte I affirme l'intemporalité d'un pouvoir que l'on acquiert non pas par sa valeur intrinsèque mais par la "qualité" de son sang, un pouvoir qui, à force de se décréter immuable, s'est vidé au fil des temps de son essence pour n'en conserver que l'existence symbolique, le rituel. D'où la rapidité et la facilité avec lesquelles Mian Aoussi a été destitué par ceux qui se réclament de "l'air vivifiant du progrès moderne", Kouamé Badou, Alla Massa, Seydou Koné que d'Aby a symboliquement choisis "exclus naturels" du pouvoir.
Autant le Tableau 2 avait paru englué dans des gestes séculairement imposés, autant le Tableau 3 apparaît vif avec ses apostrophes, ses interjections, ses insultes. Désormais, sous la puissance tutélaire du Commandant, les Massafoué entrent dans ce que nous appellerons la démocratie, un monde où n'importe qui peut accéder au pouvoir comme Seydou Koné l'immigré, pourvu qu'il emporte par la force objective de ses arguments l'adhésion des autres.
Cependant, sous ses apparences les plus démocratiques, la société que réclament Kouamé Badou, Massa Alla et Seydou Koné avec la caution politique du Commandant, cache l'une des formes les plus perverties du pouvoir.

 
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Pistes de lecture

La raison du plus riche
KOUAME BADOU : Soixante-quinze mille francs distribués au vent, ça doit servir à quelque chose tout de même !
SEYDOU KONE : 75.000 francs déjà ! (...) Moi, j'ai dépensé cinquante-sept mille francs, distribués presque exclusivement aux habitants du canton Etinglin ouest, qui voteront pour moi.
KOUAME BADOU : Pas tous ! je suppose, car j'en ai pas mal avec moi. (...)
MASSA ALLA : Moi, j'en suis à quarante-quatre mille pour le moment.
KOUAME BADOU : (riant) Tu fais bien d'ajouter : "pour le moment".
Ainsi ceux qui hier encore exigeaient la révocation de Mian Aoussi afin de "faire pénétrer dans le royaume Massa, l'air vivifiant du progrès moderne", ceux qui lui reprochaient la momification des institutions, ses atermoiements face au pouvoir colonial, ainsi ceux qui s'étaient décrétés "hommes d'action, au courant des grands problèmes sociaux, économiques et politiques, qui agitent l'ensemble de l'humanité" n'ont en réalité aucun programme fiable à proposer aux leurs, sinon les arguments d'autorité que confère la fortune. Le royaume Massa n'est plus à sauver de l'immobilisme et de la décadence, il apparaît au contraire comme une affaire juteuse, un "gibier à abattre" selon l'expression même de Massa Alla. Pour marquer l'immoralité de la situation, d'Aby la fait coïncider avec des funérailles : "Les trois adversaires de l'opposition sont réunis dans la cour de Kouamé Badou. (Le rideau s'ouvre sur la fin de la danse "golou", donnée à l'occasion des funérailles d'un parent de Kouamé Badou)". Contrairement aux danses souvent gratuites, la danse golou, danse de funérailles, par conséquent d'un certain recueillement, s'oppose ici aux tractations politico-financières de Kouamé Badou (en deuil) et de ses co-leaders.
Manifestement l'ordre qu'ils préparent à la place de l'immobilisme de la tradition, est celui de la raison du plus riche ; hier, on était roi de par sa naissance, désormais on le sera de par sa fortune :
SEYDOU KONE : Puisque Kouamé Badou a plus dépensé que nous tous, moi j'inviterai mes partisans à voter pour lui.
En 1956, dans les places que lâche peu à peu le pouvoir colonial dans le souci d'offrir l'Indépendance, naît une nouvelle conception du pouvoir qui confond individualisme et égoïsme, entretenant avec la corruption une familiarité telle qu'elle est devenue aujourd'hui à l'échelle de tout le pays une institution. Cette familiarité avec la corruption que stigmatise La Couronne aux enchères constitue pour la morale politique de ce pays une faillite absolue.

 
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De plain-pied dans le texte

MIAN AOUSSI : (…) Je ne comprends plus. Une intronisation sans trône ? Un roi sans maison des chaises et sans cimetière ? Dans quel monde sommes-nous donc ? Ancêtres, pourquoi permettez-vous que je voie ce que des siècles durant, vous n'avez pas vu ? Pour désigner le roi du pays Massa, on a consulté des gens qui, traditionnellement, n'avaient pas voix au chapitre et on a mis ma couronne aux enchères. Quelle profanation ! Quelle profanation ! Le monde est en sens dessus dessous : l'oiseau de cette rive a passé sur l'autre rive, et celui du bord opposé s'est installé en maître sur ce rivage. Le captif règne à la place du maître. Dans quel monde sommes-nous, ô ancêtres, dites-le moi, dans quel monde sommes-nous ? S'il est vrai que ceux qui quittent cette vie se retrouvent dans un monde meilleur, entendez ma voix. Ne permettez pas que j'assiste plus longtemps à la profanation de vos institutions. Voici la boisson de ma main, acceptez-la et venez me prendre. (Il verse quelques gouttes de gin sur chaque relique, puis se sert un verre qu'il boit d'un trait. Après une longue pause, lentement, mais avec colère et dégoût) Ô générations impies ! rasez, brûlez, anéantissez cette maison, ces chaises, ces olifants et ces statuettes commémoratives d'une civilisation millénaire, détruisez ces tam-tams et ces bas-reliefs de nos luttes épiques, rompez tous ces liens et sautez dans le noir, dans l'inconnu, dans le vide. (Après une nouvelle pause, faiblement, avec mélancolie) Ô blanc ! qu'as-tu fait. Ta civilisation ne pouvait-elle pas prospérer ici sans tuer celle de nos pères ? (Après un nouveau silence, le vieillard répète en crescendo) Oui ! Oui ! Oui ! C'était cela. (Il tombe au milieu de la scène. Entrée d'un serviteur qui, constatant le drame, alerte le peuple au moyen des tam-tams parleurs ou attoumgblan. Entrée des hauts dignitaires, des chefs de familles et des serviteurs. Ce peuple pleure son roi).
(Acte III)
Amon d'Aby, Le Théâtre populaire en République de Côte d'Ivoire, Cercle culturel et folklorique de Côte d'Ivoire, p.45.

 
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  Du texte à la scène…

Création en 1957 à l'Hôtel de Ville d'Abidjan devant Félix Houphouet-Boigny, alors ministre délégué à la Présidence du Conseil (République française).

 
 
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Fiche réalisée par Koffi Kwahulé

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