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De la chaire au trône
Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Sylvie Chalaye
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Côte d'Ivoire
1980
Editions Hatier, coll. "Monde noir poche", Paris, 1980
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Genre
Tragédie
Nombre de personnages
Longueur
Temps et lieux
royaume imaginaire
Thèmes
Mots-clés
amour , initiation , Orphée
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Consultation de la fiche par rubriques |
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Un premier repérage :
la fable
Résumé de la pièce
Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité
de la structure et son fonctionnement général par
rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.
Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique
qui permet de dégager une interprétation et les
véritables enjeux de la pièce
De plain-pied dans le texte
Un extrait
Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture
à sa création en passant par les lectures dont elle
a pu faire l'objet
Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce
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Un premier repérage : La fable
"Quelque part
Un pays où les arbres sont grands et verts
................................................
Un pays où les enfants jouent et rient et pleurent
Où on s'aime et où on se hait
.................................................
Un pays où on vit selon la loi ou la coutume
Un pays où la misère inonde l'abondance, la cupidité et l'égoïsme émoussent les derniers élans de la dignité humaine." (pp.79-80)
Un voyageur passe devant la façade d'un palais dont deux gardes surveillent l'entrée. Il apprend des gardes que le palais est celui d'un Prince qui doit bientôt mourir. Il y a douze ans celui-ci alors professeur d'université a passé un pacte avec sa tribu. Il a accepté de devenir Prince et de mourir à la fin de la douzième année de règne. Mais voilà que le Prince refuse de mourir. Néanmoins les gardes sont convaincus que rien ne pourra faire déroger à la tradition. Ils donnent rendez-vous au voyageur le lendemain matin pour lui raconter ce qui se sera passé durant la nuit.
A l'intérieur du palais, dans la salle du trône, le Prince s'entretient avec la jeune fille qui a partagé sa vie durant les six dernières années du règne. Il s'inquiète pour elle : que deviendra-t-elle après sa mort? Il lui confie les raisons qui l'ont poussé à accepter le pacte avec sa tribu. Il sera bientôt minuit, l'heure fatale. Tandis que le Prince se retire pour prendre un bain, trois vieillards entrent et remettent à la jeune fille l'aiguille mortelle avec laquelle elle doit le tuer. Car le secret de la mort du Prince est lié à la dernière fille qui a vécu avec lui. C'est à elle de le faire passer dans l'au-delà . Le prince revient, s'assoit dans un fauteuil et s'endort. La Jeune fille avance avec l'aiguille. La coutume doit s'accomplir. Mais elle ne peut finalement se résoudre à utiliser l'aiguille. Le Prince alors se lève, il ne dormait pas. Il lui explique que son sommeil n'était qu'une feinte comme son refus de mourir. Il n'avait pour but que de torturer une dernière fois les dépositaires de la coutume, ceux qui l'ont empêché d'accomplir son dessein et d'utiliser les richesses du royaume pour réduire l'écart entre les riches et les pauvres. Il lui avoue que ce bonheur qu'il n'a pu offrir à la masse il la reconduit sur elle en la choisissant, en lui offrant le confort et le plaisir. Il a voulu la sauver elle, faute de pouvoir sauver tous les hommes. Finalement la jeune fille entraîne le Prince dans leur chambre et choisit de mourir à ses côtés.
Le lendemain matin devant le palais, tandis qu'on entend un tam-tam funèbre, les deux gardes commentent les événements de la nuit avec le voyageur.
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Parcours dramaturgiques
Un décor onirique
Le prologue a la valeur d'une didascalie qui installe la pièce dans le registre du conte. Il produit un effet gnomique qui transporte le spectateur dans un ailleurs intemporel et universel.
Ce palais merveilleux espace du plaisir et de l'insouciance devient l'espace du rêve de changement. Ce palais merveilleux pourrait bien être une matérialisation des aspirations de celui qui veut changer le monde et se laisse enfermer dans son rêve. C'est un paradis et c'est une prison.
La structure dramatique
La pièce repose sur une structure ternaire tout à fait classique : exposition, action, dénouement-épilogue. Cependant cette structure joue avec l'alternance : espace ouvert / espace fermé. Le premier et le troisième acte s'intitulent "Dehors", tandis que l'acte central de la pièce a pour titre "A l'intérieur". Le décor du premier acte comme celui du dernier est la façade du palais. C'est l'espace public, l'espace de la divulgation, l'espace de ce qui se donne à voir et qui n'est peut-être qu'apparence, et surface. La temporalité vient renforcer cette idée. L'extérieur est l'espace du jour, le jour qui s'achève au premier acte, le jour qui se lève au dernier.
Le palais dans lequel on entre au second acte est l'espace du secret et de la nuit, espace initiatique de la coutume. On ne sait comment la mort sera administrée au Prince. C'est aussi le monde de la dissimulation. Espace du plaisir, le palais devient espace funèbre, c'est l'espace de la mort, l'espace de l'attente : le tombeau.
Finalement rien ne se passe, le refus de mourir n'induit aucune intrigue puisque le prince avoue qu'il a fait semblant. La marche inexorable vers la mort n'est pas enrayée par une quelconque révolte. La pièce dit au contraire la fatalité de la coutume. La seule péripétie qui existe naît du refus de la jeune fille.
Une dramaturgie de l'attente.
La dramaturgie de la pièce ne repose ici sur aucune action, mais sur la tension dramatique de l'attente. A l'extérieur comme à l'intérieur, on attend. Dehors les gardes matérialisent l'inertie de l'attente, tandis que par contraste le mouvement est pris en charge par le personnage du voyageur, qui est aussi le regard de l'étranger qui passe. A l'intérieur, c'est paradoxalement la mort symbolisée par l'aiguille qui réveille le Prince de sa torpeur et l'accule au questionnement.
Les personnages
Les personnages n'ont pas de nom, mais ils sont désignés par leur fonction et acquièrent ainsi l'universalisme propre au conte ou à la fable.
Les gardes sont l'image de la fixité et de l'aveuglement de la coutume. Ils gardent sans comprendre. Ils font passer leur mission avant leur bonheur personnel et acceptent finalement de perdre jusqu'à leur dignité d'homme, au nom de la primauté de la coutume. Ils incarnent la raideur bornée.
Le prince et le voyageur sont des personnages dont les destins s'opposent. Tous deux refusent d'être "les témoins passifs et résignés d'un monde mal fait" (p.85). L'un passe, il change de lieu, de métier, de fonction, de religion, et d'identité même. Le Prince au contraire est un homme arrêté qui veut changer le monde autour de lui et s'y enferme finalement. Après avoir été enfermé dans sa fonction d'universitaire, il s'est laissé enfermer dans le luxe de la fonction de Prince. Le voyageur, lui ne change pas le monde, mais change de monde.
Le voyageur a les attributs du pèlerin : "un homme pauvrement vêtu, besace sur l'épaule, bâton en main"(p.81). C'est une figure du sage le personnage du pérégrin, du Saint-Christophe :
"Le voyageur est étranger à l'histoire
Une histoire qui est le drame d'un homme pour les hommes
Et le voyageur a quelque chose à voir à l'histoire
Comme nous tous"
La jeune fille qui n'avait d'abord qu'un rôle d'accompagnatrice en tant que concubine transforme sa mission d'immolatrice en sacrifice de soi et c'est sa mort qui sert à donner du sens au destin du Prince. Elle incarne une vision romantique et platonicienne de la femme qui permet au prince-poète d'atteindre son absolu.
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Pistes de lecture
L'impuissance des absolus
Ce prince qui espère distribué les richesses a quelque chose du héros romantique et son anéantissement même passe par une image littéraire, celle de Tristan et Iseult. La jeune fille accepte de mourir comme pour donner un sens à la mort du Prince. Il aura au moins apporté un peu de bonheur à un être, comme si l'amour pour un être pouvait peut-être sauver l'humanité entière. A moins qu'il ne se soit sauvé lui-même en trouvant dans l'amour une raison d'être. Le palais est l'espace de la littérature et des absolus, la tour d'ivoire du poète. Le prince y a choisi une seule femme, un amour unique. Dehors, en revanche, c'est l'espace trivial du relativisme. Dehors, les gardes acceptent de partager leur femme. Mais n'est-ce pas le confort du palais qui autorise le luxe de l'absolu ? Car dehors c'est la faim qui justifie toutes les compromissions.
Le palais pourrait bien être une représentation du littéraire et de l'illusion à vouloir renouer avec les lois d'un passé mythique, qui laisse entrevoir la lumière susceptible de sortir le monde de l'obscurité. Le drame est que cette lumière n'est autre que celle de la mort. Tel Icare qui a cru pouvoir dompter les lois de la gravitation en s'élevant vers la lumière du soleil, le Prince a cru pouvoir dominer la coutume et la mettre à son service. Mais on ne transforme pas l'ordre des choses.
La toute-puissance de la loi
Amadou Koné dénonce le poids de la tradition dans le devenir d'un peuple qui doit réinventer son monde. Il dénonce le fatalisme consenti, et l'impuissance inexorable de l'homme qui s'en prend au monde avant de s'en prendre au hommes. D'après Koffi Kwahulé, "le héros d'Amadou Koné est un héros "régressif" qui va de l'universel au particulier, de la ville à la campagne, du présent au passé, du modernisme au traditionalisme où il rencontre fatalement la "mort". Le monde traditionnel rejoint ici la symbolique de la Terre au sens biblique : à la fois berceau et tombe"
Pour Amadou Koné, la quête d'un avenir pour l'Afrique et d'une identité politique et historique nouvelle ne saurait passer par un retour à la tradition, qui ne peut être que sclérose. Quelles que soient les charmes de cette sirène, inutile de croire qu'il est possible d'infléchir la coutume, sa raideur est inaliénable, c'est sa quintessence même.
D'abord comprendre les hommes
"Il avait très bien compris les problèmes, mais il ne comprenait pas les hommes." (p.124), telle est la conclusion du voyageur. L'histoire du Prince se présente finalement comme une parabole qui tend à démontrer que si l'on veut changer le monde, il est vain de vouloir changer les lois ; ce sont les hommes qu'il faut changer.
Les absolus sont des leurres qui éloignent des hommes. Lui qui voulait "que la chaleur du soleil puisse réchauffer tous les hommes", son ambition était démesurée. Peut-être faut-il plus humblement suivre la voie du voyageur : "Je passe, et sur ma route j'essaie de laisser des traces." (p.125).
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Du texte à
la scène
Alexandre Dabija, metteur en scène roumain a monté la pièce au 14e festival des Francophonies de Limoges (Africultures n°2)
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Fiche réalisée par Sylvie Chalaye
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