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Jaz
Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Irène FRIN (Université de Paris III)
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Côte d'Ivoire
1998
Editions Théâtrales, 1998
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Genre
Conte adapté
Nombre de personnages
1 femme
Longueur
33 pages
Temps et lieux
Temps et lieu indéterminés, peut-être une prison.
Thèmes
Reconstruction identitaire après le traumatisme dâun viol
Mots-clés
aliénation , amour , folie , identité , jazz , mort , musique , pulsion , schizophrénie , sexualité , viol
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Consultation de la fiche par rubriques |
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Un premier repérage :
la fable
Résumé de la pièce
Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité
de la structure et son fonctionnement général par
rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.
Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique
qui permet de dégager une interprétation et les
véritables enjeux de la pièce
De plain-pied dans le texte
Un extrait
Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture
à sa création en passant par les lectures dont elle
a pu faire l'objet
Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce
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Un premier repérage : La fable
Une femme, seule en scène, le crâne rasé, accompagnée d'un jazz nous conte l'histoire de Jaz, du moins un morceau de son existence, car dit-elle, elle n'est "pas là pour parler d'elle mais de Jaz".
Jaz est une jeune femme belle "comme un lotus", émergeant de la cité crasseuse. Elle habite une chambre de bonne au sixième étage d'un immeuble insalubre, dans une ville aux noms de rues étrangement colorés. Son existence bascule le jour où les toilettes du palier de l'immeuble débordent. Elle devra désormais se rendre tous les dimanches dans la sanisette de la place "Bleu de Chine". Un dimanche comme beaucoup d'autres, Jaz, s'apprêtant à pénétrer dans la sanisette, enfonce une pièce dans la fente de la porte. Un homme, l'homme "au regard de Christ" armé d'un couteau de cuisine, la pousse et la suit à l'intérieur.
Jaz est le récit d'un viol, où la parole devient un exutoire, parler, l'acte nécessaire à une certaine forme de libération ; un monologue tragique où toute la violence du monde vient frapper la beauté et l'innocence de l'être.
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Parcours dramaturgiques
Une structure onirique, suivant le parcours de l'inconscient
Un des aspects les plus frappants dans la dramaturgie de Jaz, c'est cette structure en dents-de-scie, faisant des allers et retours permanents sur soi-même. En effet, le personnage en scène ne cesse de revenir sur certains évènements, ajoute des précisions, livre des anecdotes pour illustrer ses propos. Il lui arrive également, à certains moments de ressasser des bribes de souvenirs ou même de répéter certaines phrases. Cette structure s'apparente fortement à celle des rêves où l'inconscient se retrouve parfois enfermé dans ses pensées, hanté, plongé dans ses angoisses. Cette dramaturgie pourrait être celle du "surgissement", les paroles qui étaient jusque-là enfouies au plus profond de la jeune femme, se retrouvent à jaillir à la surface de la page la libérant ainsi de ses traumatismes. Le cheminement de l'écriture suit les ruptures et les retours de l'inconscient dans ses faiblesses les plus indicibles. Est alors absente toute notion de temps, rejoignant ainsi la structure atemporelle de la conscience, l'ordre des évènements se mélange, les évènements eux-mêmes parfois se confondent, de même que les identités et les personnages. Tout cela suivant une logique indéniable, celle de la pensée errante et aliénée.
Une écriture musicale
Jaz. Titre en effet évocateur ! Au-delà de la présence d'un musicien sur scène jouant un jazz qui accompagne la parole du monologue, "troue/est troué, enlace/est enlacé par la voix de la femme", le jazz est présent beaucoup plus encore dans la structure de la pièce et l'écriture même de Koffi Kwahulé. Lors de la lecture, nous avons effectivement un sentiment d'imprévu, d'urgence tout à fait propre au jazz, fait d'improvisations et de performances. Les phrases sont courtes, puissantes et organiques comme les rythmes, le phrasé et les notes tantôt poussives et plaintives, tantôt piquantes et exhaustives d'un morceau de jazz. La structure est à voir sous le même angle, il s'agit d'une dramaturgie du ressassement comme le retour incessant d'un refrain qui viendrait ponctuer un morceau. La voix qui se donne à entendre est comme parasitée par d'autres voix. Plusieurs lignes mélodiques s'enchevêtrent, donnant le sentiment d'une déconstruction harmonique. En ce qui concerne le "graphisme" de la pièce, celui-ci ressemble à la structure d'un poème, d'une chanson. Parfois on ne trouve qu'un mot par ligne, ce qui n'est pas sans rappeler certaines onomatopées utilisées lors d'improvisations de jazz. Les mots semblent s'organiser ou se désorganiser dans la page comme des notes dans l'espace.
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Pistes de lecture
La perte d'identité
Ce qui est en jeu dans la pièce de Koffi Kwahulé, et ce qui demeure la clé de son Åuvre, c'est la confusion des identités. Cette femme qui est en scène et nous raconte Jaz, est-ce Jaz ? Oridé, l'amie de Jaz ? Toute une série d'indices est parsemée dans la pièce ; ce personnage ne cesse de répéter : "Je ne suis pas là pour parler de moi mais de Jaz.", elle s'est également rasé le crâne comme Jaz l'a fait en signe de deuil pour son amie Oridé. Autant d'éléments qui sèment le doute et la confusion auprès du spectateur sur l'identité de cette femme. On comprend alors qu'il s'agit de parler de la difficulté de se reconstruire après un viol, de cette aliénation s'emparant de l'être humain après l'intrusion si pesante d'un étranger dans sa vie. L'histoire de cette femme a en effet été usurpée et façonnée par ce viol, désormais, elle ne peut plus voir le monde qu'à travers ce prisme. En allant un peu plus loin, il s'agit en fait d'une parabole. Celle de l'histoire de l'Afrique, dont l'identité, notamment historique, reste difficile à retrouver après la colonisation mais aussi la diaspora provoquée par l'esclavage.
Raconter pour se libérer
Dans la dramaturgie de Koffi Kwahulé, la parole devient l'acte nécessaire à une libération ressentie comme un besoin chez les personnages. Comme nous le disions plus haut, le lecteur ressent cette urgence de la parole, ce jaillissement des mots non seulement dus à la présence du jazz dans l'écriture, mais aussi à une volonté forte de parler à l'autre, de communiquer, de transmettre ses traumatismes constituant son histoire propre et de s'affirmer, de se faire entendre enfin. Jaz le dira d'ailleurs, elle est ici uniquement pour parler de ce qui s'est passé. Là est son seul et unique but. L'écriture comme le jazz chantent la perte et deviennent alors les instruments nécessaires à une libération physique et psychique.
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De plain-pied dans le texte
"Jaz revenait de chez l'épicier.
Il l'attendait dans l'escalier.
Jaz croit qu'il l'attendait.
A cause de ses yeux.
Ils l'imploraient et la défiaient en même temps.
Peut-être.
Vu les circonstances elle avait la sensation
qu'il ne pouvait lui la regarder elle
que tel qu'il l'a fait.
Possible.
Mais c'est certain qu'il l'attendait
qu'il s'était précipité lÃ
après l'avoir vue sortir de l'épicerie.
Je n'en sais rien.
Sans doute à cause de sa beauté.
C'est indécent comme Jaz est belle.
Un lotus.
Jaz est un lotus.
Dans cet immeuble mise à jour du tableau
en y classant individuellement les noms
de tous les résidents et les tiers hébergés
dans l'ordre alphabétique crasseux où
l'on patauge dans sa propre merde
Jaz émerge comme un lotus.
C'est sa présence qui l'illumine
Et le maintient encore dans
un semblant d'humanité.
Est-ce pour cela qu'elle refuse de s'en aller.
C'est plutôt pour Oridé.
Oridé.
L'amie de Jaz.
Belle à réveiller un mort."
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Du texte à
la scène
Plusieurs mises en scènes de Jaz ont vu le jour :
Filip Forgeau, Compagnie du Désordre, Festival du Bellac, 1999
Daniela Giordano, Teatro del Fontanone de Rome, 2000, traduction de Gianni Poli
Marisa Mirenda, Teatro Due de Rome, janvier 2001.
Eric Veschambre, au Naxos Bobine (Paris), mai 2002.
Patrick Simon, Studio-Théâtre dâAsnière, mai 2003.
Serge Tranvouez, Lavoir Moderne Parisien, juillet 2003
Michael Johnson-Chase, Lark Theater de New York, mai 2004, traduction de Chantal Bilodeau.
Karen Fichelson, La Maison des Trois Quartiers de Poitiers en novembre 2004.
Kristian Frédric, Festival de Performances « Rencontres Improbables » du Pays Basque, Sept.-octobre 2006.
Denis Mpunga, Théâtre Varia de Bruxelles, sept-oct. 2006
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Pour poursuivre le voyage
à propos du jazz dans l'écriture de Koffi Kwahulé :
"Avec Jaz, l'enjeu est clair : écrire un texte qui, sans avoir besoin de musique au sens propre, est en lui-même du jazz. Avant, je cherchais une histoire, un thème, et j'écrivais. Aujourd'hui, pour Big shoot, P'tite souillure ou Jaz, je pars d'un embryon d'histoire. Je ne sais pas, même après les avoir écrits, quels en sont les thèmes. Je ne peux plus dire : ça parle de telle ou telle chose ; Simplement, je sentais que je devais prendre quelque chose à un bout et l'amener jusqu'où ça pouvait me porter."
Koffi Kwahulé, entretien avec Gilles Mouëllic, Mon idéal d'écrivain, c'est Monk in Jazz magazine, Décembre 2000.
Gilles Mouëllic, "Le jazz dans l'écriture de Koffi Kwahulé : une introduction" in Nouvelles dramaturgies d'Afrique Noire Francophone, direction Sylvie Chalaye, Presses Universitaires de Rennes, 2004.
à propos des différentes mises en scène de Jaz (sélection) :
Sylvie Chalaye, "Le son ontologique des théâtres noirs contemporains" in Africultures.com
Sylvie Chalaye, "Jaz, simplement jazz" in Africultures.com
Patrick Sourd, "La hyène et la gazelle /La note bleue de Koffi", Nova Magazine juillet-août 2003
Marie Baudet "Le rythme multiple de la parole", La Libre Belgique 20/09/06
Maresa Galli, "âJaz', storia di due donne sconfitte dai mali del mondo", Roma, 31/03/01
Franco de Ciuces, "Tre donne nella citta vampiro", Il Mattino, 31/03/01 |
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Fiche réalisée par Irène FRIN (Université de Paris III)
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